Le Cheval Canadien (Auteur : Céline Normandin)

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Auteur : Céline Normandin

Référence : Pascale Lacasse

Il est de ces histoires si liées à un peuple qu’elles en deviennent indissociables. C’est le cas du cheval Canadien, compagnon des colons débarqués en Nouvelle-France, et qui survit encore, 350 ans plus tard.

Inconnu de la majorité de la population, le Canadien tire pourtant son nom des premiers habitants de la vallée du Saint-Laurent. Près de 100 ans après l’arrivée de ses ancêtres sur le continent nord-américain, il était déjà devenu une race distincte, dont l’histoire remonte au début de la colonisation française.

La naissance d’une race
C’est le roi Louis XIV qui donne l’ordre d’envoyer outre-mer les premiers chevaux, alors absents de cette partie du Nouveau Monde. Douze arriveront à bon port, en 1665, afin d’aider au développement de la colonie, pour un total de 82 chevaux quand cessent les envois, en 1673. Peu d’écrits subsistent sur l’origine de ces chevaux, qui formeront le terreau de la future race : ils seraient issus des haras du roi nouvellement mis en place, qui contenaient en plus des chevaux de type breton et normand. On sait par contre que les chevaux étaient d’excellente qualité.

En 1763, la colonie compte 14 000 chevaux. Le climat rude et les tâches multiples qu’on leur confie (défrichage, labour, récolte, attelage, équitation) donnent naissance à une race tout à fait distincte. Ses exploits font l’objet des récits des chroniqueurs de l’époque. Doté d’une crinière abondante et frisée, le petit cheval de Nouvelle-France est reconnu pour sa vigueur peu commune, dépassant celle de chevaux plus lourds, et pour sa docilité remarquable. Son agilité lui permet de traverser aisément les bancs de neige. D’un appétit modeste, il peut travailler toute la journée et conserver assez d’énergie pour s’ébattre dans le pré. Tous ces traits lui vaudront le surnom de « petit cheval de fer ».

Un patrimoine presque perdu 
Il tient presque du miracle que le cheval Canadien ait réussi à survivre après la Conquête de 1760. Il sera croisé avec des Clydesdale et des Thoroughbred, chevaux anglais jugés supérieurs, afin d’alourdir et d’agrandir la race. Il sera aussi vendu en grand nombre aux États-Unis en raison de ses qualités de trotteur. Il deviendra même la source de plusieurs lignées de champions. Vers 1860, la race est estimée éteinte.

Des efforts concertés de la part de passionnés et un coup de pouce des deux paliers de gouvernement permettent de lancer plusieurs initiatives dont les traces sont encore visibles. Un système d’enregistrement est organisé en 1895 et donne naissance à la Société des éleveurs de chevaux canadiens (SECC), active encore aujourd’hui. Le gouvernement fédéral fonde une ferme d’élevage en 1912, et les caractéristiques de la race sont mises sur papier pour la première fois. Un journal agricole de l’époque indique que le cheval Canadien est de petite taille, rarement plus de 15 mains, qu’il a des sabots larges, les jambes solides, la poitrine et la croupe larges, et beaucoup de crins. De 1895 à 1905, la SECC enregistre 1801 chevaux de souche dans son premier livre de généalogie.

Avec l’industrialisation, les voitures et les tracteurs remplacent peu à peu les chevaux. À la fermeture de la ferme d’élevage, en 1980, seulement 200 Canadien subsistent au Québec.

Une survie toujours difficile après 350 ans

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Après avoir été snobé, le cheval Canadien est de plus en plus utilisé pour les compétitions équestres en raison de sa docilité et de sa vigueur.
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Le président et la secrétaire-trésorière de l’Association québécoise du cheval canadien, Denis Demars et Claude Richer. Tous deux agronomes retraités d’Agriculture Canada, ils forment un couple dans la vie et consacrent bénévolement près de 40 heures par semaine à l’Association.

Depuis, le cheval Canadien a repris du galon. Il a été choisi comme race patrimoniale au Québec en 1999 et comme race nationale au Canada en 2002. Mais sa survie est loin d’être acquise.

Avec 2400 à 2500 chevaux Canadien confirmés au Québec en 2013, les éleveurs doivent conjuguer leur passion avec un travail à l’extérieur pour s’acquitter des coûts. Un sondage exécuté l’an dernier auprès des propriétaires et éleveurs révèle aussi que le nombre de juments en âge de pouliner décline d’année en année. La survie de la race est d’ailleurs jugée critique par la Société américaine de conservation des races d’élevage, rapporte le cinéaste Richard Blackburn, qui a réalisé en 2009 La légende du cheval Canadien. De plus, l’interdiction en 2007 d’abattre des chevaux aux États-Unis a eu pour effet d’inonder le marché canadien d’animaux de qualité médiocre et bon marché, et de plomber le prix des chevaux locaux.

Claude Richer, secrétaire de l’Association québécoise du cheval canadien (AQCC), termine l’écriture d’un livre sur l’histoire de cet animal devant paraître au printemps 2015. Elle s’inquiète de la tendance visant à modifier certaines caractéristiques de la race. « Les standards actuels sont un patrimoine protégé, mais qu’il faut aussi conserver .»

Un programme de classification pourrait aider les éleveurs à mieux connaître le potentiel réel de leur élevage, estime l’AQCC. Le cinéaste Richard Blackburn souhaiterait de son côté voir renaître une ferme d’élevage du Canadien. Une initiative de ce genre aux États-Unis a permis de faire renaître la race Morgan. « Si cette histoire s’était produite aux États-Unis, le cheval Canadien serait devenu une icône et un mythe fondateur de l’histoire du pays », dit-il.

Myriam Sarrazin, de la Ferme Sarabelle, incarne la relève équestre québécoise, majoritairement féminine et trentenaire. Elle gagne sa vie comme coiffeuse, mais aimerait bien prendre la relève familiale, malgré le défi financier que cela représente. Elle se dit tout de même confiante quant à l’avenir de la race. « De plus en plus de gens connaissent le Canadien et l’apprécient. »

Le président de l’AQCC, Denis Demars, invite les Québécois à manifester leur appui au cheval Canadien et à découvrir ce pan méconnu de leur propre histoire. « Reste à voir si les Québécois souhaiteront que le cheval Canadien fasse partie de leur histoire dans l’avenir, comme il le fait depuis 350 ans. »

Pour en savoir plus :
www.chevalcanadien.org
www.lechevalcanadien.ca

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Quand la science et le cinéma se mettent au service de l’histoire

En 2009, Richard Blackburn (à gauche) a parcouru 4000 km à dos de cheval jusqu’au Texas pour livrer 50 échantillons d’ADN de la race Canadien au généticien équestre Gus Cothran, de l’Université A&M, une aventure dont il a tiré un film, La légende du cheval Canadien. Depuis, le Pr Cothran a fait une découverte renversante : le Canadien est la toute première race chevaline d’Amérique du Nord, l’ancêtre du célèbre Morgan, de toutes les races indiennes et de la plupart des races dites américaines. Les résultats seront publiés cet automne dans le Journal of Heredity.

Auteur : Céline Normandin

By René Arbour

Management certificate of Credit Card (New York - 1983-84) Bac Administration , Security for the people (Minesota 1984)