Tiens, voilà du boudin ! À Fromeréville II – 13e épisode

Tiens, voilà du boudin ! À Fromeréville II – 13e épisode

mercredi 8 février 2012, par Michel Guironnet

« …On a longé un grand parc de matériel ; ça allait jusqu’au bout de la plaine, bourré de fils de fer, de piquets, de tôles. Il y en avait, là, des vieux qui tressaient du fil de fer à épines avec des mains pleines de sang et de pansements ».

Jean Giono « Montée à Verdun » Chapitre inédit du « Grand Troupeau » [1] Cliquez sur Continue Reading pour la suite

« 13 avril (1916) 8 heures – La DI prescrit aux troupes… de pousser très activement les travaux de la 1re ligne, d’amener les tranchées à profondeur et de planter des réseaux en avant,de créer une ligne de soutien à 100 mètres en arrière de la 1re ligne, sans préjudice des travaux sur les 2e et 3e lignes » [2].

Dès leur arrivée dans les cantonnements de Fromeréville, les hommes du Génie sont mobilisés pour renforcer les défenses des tranchées. Certains sont sur le front du Mort-Homme, avec les troupes ; d’autres (dont certains de la Section de Projecteurs) sont dans les villages alentour, occupés « à confectionner des boudins Ribard ».

Extrait du JMO du 1er Régiment du Génie 22e Bataillon 22e compagnie : [3] « Avril 11 à Juin 7 (1916) : la Compagnie coopère avec le P.G (Parc du Génie) du 32e C.A aux ravitaillements à Chattancourt et à la cote 223 et aux divers travaux incombant au P.G du 32e C.A.

Les S/M (Sapeurs Mineurs) sous ma direction enseignent aux corps d’infanterie du 32e C.A la fabrication de « Boudins Ribard »…

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Fromeréville. Chantier de boudins Ribard sur le plateau de Sivry
Sur l’album est notée la date du 15 mai 1916.
Au dos, il est écrit : « un coin de chantier où nous formons des réseaux Ribard sur le plateau de S. Le 5 mai 1916 »
« Les fantassins sont nichés dans des trous d’obus, à peine reliés entre eux et à l’arrière par de précaires communications, anciens boyaux que de nombreux et intensifs « pilonnages » ont ravagés.Très peu de défenses accessoires. Elles sont arrachées par le souffle des explosions, au fur et à mesure de leur mise en place, effectuée subrepticement la nuit.

Dans l’étendue moutonneuse des terres quotidiennement bouleversées, quelques éléments de réseaux Brun ou Ribard, tronçonnés, tordus, perdus, évoquant une ligne de défenseurs plus qu’une ligne de défense ».

Historique de la Cie 17/3 du 2e Régiment du Génie (1920)

Marcel Guenot, sergent au 44e RI, arrivant sur le secteur de la Main de Massiges, sur le front de Champagne, fin 1916 nous explique :

« Tous ces petits postes ainsi que le réseau de tranchées sont protégés par un entrelacs de fils de fer barbelés ou de réseau Brun, et parfois des deux à la fois. L’épaisseur de ces réseaux de fil de fer est variable mais toujours conséquent, allant parfois jusqu’à dix, voire quinze mètres d’épaisseur. Le barbelé est appelé ainsi à cause des piquants qui le garnissent, tandis que le réseau Brun se compose de fil de fer lisses.

Le premier exige que l’on plante en terre des piquets en bois ou de fer avant de les relier ensemble par des fils de fer barbelés dans tous les sens, de haut en bas, de gauche à droite, d’horizontale en oblique.

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Pince à barbelés
Dans une vitrine du Mémorial de Verdun

Le réseau Brun, plus simple à poser, n’offre pas autant de défense, obligeant juste l’adversaire à l’enjamber ou à le détruire. Partant d’un rouleau de fils de fer lisses, nous n’avons qu’à l’empoigner par les deux extrémités, puis à l’étendre en tirant. Il offre l’avantage de pouvoir être utilisé pour former rapidement un obstacle lors d’une avance rapide. C’est à cela que nous le destinons » [4].

Le « réseau Ribard »

C’est une amélioration apportée fin 1914 par le futur général Ribard aux réseaux de barbelés déployés devant les tranchées françaises. Ribard commandait alors le Génie de la 61° Division.

Louis Ribard considérait que le réseau Brun, en vigueur en 1914, était trop fragile et ne constituait pas un obstacle suffisant.

« Il s’agit de fil de fer barbelés qui sont disposés sur des cercles métalliques fins reliés et compressés en usine.

Lorsque l’ensemble est étiré, cela donne un rouleau de barbelés d’un diamètre d’environ 1 mètre de hauteur sur 10 mètres de long comme un boudin en accordéon qu’on peut raccorder à d’autres et /ou les empiler pour obtenir un obstacle presque infranchissable. C’était un outil de défense rapide et efficace » [5].

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Au travail dans le bois de Sivry
Sur l’album : « Fromeréville. Fabrication de boudins Ribard dans le bois de Sivry la Perche (15 avril à 20 mai 1916)
Au dos : « le 24/5/1916 construction d’un boudin Ribard dans le bois de S. »

L’humour des Poilus

« 11 mai (1916) : le Général (Commandant la 42e DI) monte, à midi, au Fort des Bois Bourrus avec son État-Major pour y prendre le commandement du secteur. Il y arrive à 13 h 30. Il est mis au courant de la situation :

Le Capitaine Le Boulanger, Commandant le Bataillon de droite du 151e, a signalé à 11 h 35 que les Allemands exécutent des travaux qui semblent être une parallèle de départ, à environ 80 m au nord de la tranchée des Poutres.

Un officier d’A.L (Artillerie Lourde) a été envoyé à 13 h au P.C du Capitaine Le Boulanger pour y régler un tir sur ces travaux.

En même temps, le Commandant T.D.A a donné l’ordre d’entourer dans la nuit la tranchée des Poutres de Saucissons Ribard  ».

Extrait du JMO de la 42e DI, présente en mai 1916 aux côtés de la 69e DI [6].

Le Boulanger… et des Saucissons Ribard : les Poilus, qui même dans les pires circonstances s’efforcent de garder leur humour, ont du trouver de quoi l’alimenter en entendant ces noms !


By René Arbour

Management certificate of Credit Card (New York - 1983-84) Bac Administration , Security for the people (Minesota 1984)