HISTOIRE DES DÉSILETS
Par : J.-Roger Cloutier
L’ANCÊTRE
Antoine Desrosiers, l’ancêtre des Désilets de cette famille, est un des colons fondateurs de la Nouvelle-France. Ses descendants sont nombreux au Canada et aux États-Unis. La décision de l’ancêtre d’émigrer et d’aider à peupler ce nouveau pays s’inscrit dans un contexte particulier. Il est intéressant de l’étudier afin de comprendre l’ampleur des répercussions de ce geste presque téméraire, sur sa vie, sur celle de sa famille et de ses descendants.
UN PEU D’HISTOIRE
La ville de Québec et la Nouvelle-France ont été fondées au début du XVIIe siècle par des Français. Mais, qu’est-ce qui pouvait motiver ces Européens à venir ici et que se passait-il en France à cette époque ?
La situation en France
Au XVIe siècle la situation religieuse en France est tragique, causant des guerres et des massacres. Les rois successifs ne réussissent pas unifier le pays et amener la tranquillité. Dans un tel climat, on peut comprendre que des gens simples et paisibles pensent à fuir cette instabilité dans l’esprit de trouver une certaine liberté et prospérité personnelle.
D’autre part, c’est la mode de créer des compagnies pour explorer les territoires
nouveaux et faire le commerce. On veut aussi trouver une route plus courte pour se rendre de la France aux Indes et en Chine et y faire le commerce de l’or, de la soie et des épices.
Chaque puissance européenne veut avoir sa part du gâteau. Des individus veulent s’enrichir. Certains veulent étendre leur religion et évangéliser les peuples autochtones. Enfin, d’autres veulent tout simplement un endroit sain physiquement et socialement pour élever une famille sur un lopin de terre qui leur appartiendrait.
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1. La seule route connue alors des Européens consistait à contourner l’Afrique par le sud. LACOURSIÈRE, Jacques, Histoire populaire du Québec, volume I, Les éditions du Septentrion, 1995, page 12.
Le roi Henri IV réussit un peu mieux que ses prédécesseurs à rétablir l’ordre en France et c’est sous son règne que l’Acadie est fondée en 1604. Ces premières activités françaises en Amérique qui ont des buts surtout commerciaux, dépendent
de promoteurs ; elles sont souvent victimes des rivalités militaires anglaise et française qui se répercutent même de ce côté ci de l’Atlantique. De Monts voit ses privilèges révoqués et Samuel de Champlain qui était là avec lui depuis le début, retourne
en France en 1607. Ce dernier, cependant, n’abandonne pas et il revient en Amérique
en 1608 pour fonder Québec.
Fondation de Québec, de Trois-Rivières et de la Nouvelle-France
Les débuts de la colonisation sont lents et pénibles. La première famille française venue habiter en Nouvelle-France est celle de Louis Hébert, apothicaire parisien, en 1617. Ce dernier avait déjà vécu en Acadie avec Champlain qu’il connaissait donc très bien. Cette fois, il est accompagné de sa femme, Marie Rollet, et de leurs trois enfants, Guillaume, Guillemette et Anne. Champlain lui concéda une terre, en haute-ville à Québec, en 1623. Il n’en profita pas longtemps car il mourut au début de janvier 1627 à la suite d’un accident.
Son fils Guillaume épousa Hélène Desportes en 1634, mais, ils n’eurent qu’un seul fils, Joseph, qui se maria à Marie-Charlotte de Poitiers, en 1660. Joseph fut tué par les Iroquois l’année suivante, laissant un fils qui mourut en bas âge. Il n’existe donc pas de descendance mâle de notre premier défricheur pour perpétuer son :
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2. Pierre de Gua, sieur de Monts, fondateur de l’Acadie.
Figure 1 : Les provinces de France au XVIIe siècle. (extrait de FARIBAULT, BEAUREGARD.
Marthe et BEAUREGARD-MALAK, Ève, La Généalogie,
Retrouver ses ancêtres, Les éditions de l’Homme, 1987, page 68). Nom
3. Par contre, Guillemette, mariée à Québec en 1621 à Guillaume Couillard, a laissé de nombreux descendants. En 1627, la colonie se composait d’une soixantaine d’hommes, de cinq femmes et de six petites filles.
Pendant ce temps, Champlain qui est cartographe, explore le pays tant qu’il peut. En 1629, au nom des Anglais, les frères Kirk s’emparent de Québec qui est sans grande protection ; la plupart des habitants retournent en France. Seuls restèrent Guillaume Couillard, sa famille et sa belle-mère, Marie Rollet ; en tout, une vingtaine de personnes. Le traité de Saint-Germain-en-Laye mit fin en 1632 à l’occupation anglaise.
Lorsque Champlain revint en 1633, tout était à recommencer et les installations
à rebâtir.
En 1634, Champlain demande au sieur de Laviolette d’aller bâtir un fort
à l’embouchure de la rivière Saint-Maurice pour mieux se protéger contre les Iroquois. C’est la fondation des Trois-Rivières, le 4 juillet. Antoine Desrosiers y arrive vers 1645 après avoir passé environ quatre ans à Québec. La population des Trois-Rivières à ce moment, ne dépasse pas 300 âmes.
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3 Les Hébert que nous connaissons au Québec aujourd’hui, sont surtout des descendants des Acadiens arrivés ici après la déportation, à partir de 1755.
CHRONOLOGIE DES DÉSILETS ET DES ÉVÉNEMENTS
IMPORTANTS :
1491 Jean Cabot (Giovanni Caboto) explore Terre-Neuve.
1492 Christophe Colomb découvre l’Amérique.
1498 Louis XII monte sur le trône de France.
1515 Louis XII meurt et François Ier devient roi de France.
1534 Premier voyage de Jacques Cartier au Canada.
1547 François Ier meurt et Henri II devient roi de France.
1559 Henri II meurt et François II devient roi de France.
1560 François II meurt et Charles IX devient roi de France.
1574 Charles IX meurt et Henri III devient roi de France.
1582 Le calendrier grégorien4remplace le calendrier julien dans le monde catholique.
1589 Henri III meurt et Henri IV devient roi de France.
1603 Premier voyage de Samuel de Champlain en Amérique.
1604 Fondation de l’Acadie par Pierre de Gua, sieur de Monts.
1607 Fondation de Jamestown (Virginie) aux États-Unis par les Anglais.
1608 Fondation de Québec par Samuel de Champlain.
1610 Henri IV meurt et Louis XIII devient roi de France.
1617 Arrivée du premier colon de la Nouvelle-France, Louis Hébert et de sa famille.
1619 Naissance d’Antoine Desrosiers. (première génération)
1632 Naissance d’Anne LeNeuf du Hérisson. (première génération)
1634 Fondation des Trois-Rivières par Laviolette.
1635 Mort de Samuel de Champlain.
1641 Arrivée d’Antoine Desrosiers à Québec.
1642 Fondation de Montréal par Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve.
1643 Louis XIII meurt et Louis XIV devient roi de France.
1645 Arrivée d’Antoine Desrosiers aux Trois-Rivières.
1652 Naissance de Michel Desrosiers dit Désilets. (deuxième génération)
1666 Naissance de Marie-Thomasse Artault. (deuxième génération)
1715 Louis XIV meurt et Louis XV devient roi de France.
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4 Calendrier toujours utilisé, promulgué par le pape Grégoire XIII.
1755 Début de la déportation des Acadiens.
1760 La Nouvelle-France devient anglaise.
ORIGINE DU PATRONYME « DÉSILETS »
« Avant le Xe siècle, le nom de famille, ou patronyme, n’existait pas en France. Seul le prénom reçu au baptême était alors usité pour désigner chaque individu »
5. Par la force des choses, l’usage des surnoms pour les Français s’était répandue pour permettre aux gens de se retrouver, au fur et à mesure de l’augmentation de la population. En 1539, le roi François 1er ordonna la création de l’état civil (Ordonnance de Villers-Cotterêts
6) pour consigner les données vitales de son peuple et rendit obligatoire la transmission du nom du père à tous ses enfants. Ceux qui n’avaient pas encore de nom de famille durent s’en trouver un.
Ainsi, on prit des patronymes d’un peu partout : de province (Champagne), de ville (Parisien), d’origine étrangère (Lallemand),de parenté (Legendre), de titre (Prince), de métier (Boucher), de charge (Le Clerc), de lieu (Vallée), d’animal (Lelièvre), de plante (Poirier), de qualité (Ledoux), de défaut (Malenfant), d’infirmité (Lesourd), de trait physique (Legrand) et de trait moral (Sansregret), etc.
Nous n’avons pas trouvé l’origine du patronyme Desrosiers. Ce que nous savons cependant, c’est qu’au temps d’Antoine Desrosiers la notion du nom de famille est encore très imprécise et instable. Les enfants ne semblent pas être liés fermement au nom de leur père. Ainsi, ils prennent souvent un surnom qui devient parfois leur nom utilisé. Ce fut le cas ici en Nouvelle-France, des quatre fils d’Antoine Desrosiers qui se marièrent.
Michel prend le surnom de Désilets. Jean prend le surnom de Dutremble. Pierre prend aussi le surnom de Dutremble et certains de ses descendants prennent le nom de Dargy ou Dargis
7. Antoine prend le surnom de Lafresnière
8.Certains petits-fils reprennent le nom de Desrosiers. De nos jours, seulement une minorité des descendants d’Antoine Desrosiers portent son nom. Cependant, tous les descendants de son fils, Michel DesroHistoire des Désilets
5. FARIBAULT-BEAUREGARD. Marthe et BEAUREGARD-MALAK, Ève, La Généalogie,
Retrouver ses ancêtres, Les éditions de l’Homme, 1987, page 113.
6. JETTÉ, René, Traité de Généalogie, Les Presses de l’Université de Montréal, 1991, page 77.
7. RICHARD, Mgr, Les Désilets, journal le Trifluvien, novembre et décembre 1906.
8. JETTÉ, René, Dictionnaire généalogique des familles du Québec, Les Presses de l’Université de Montréal, 1983, pages 348-349.sieurs dit Désilets, portent le nom de Désilets
9. Pour ce qui est de la provenance de ce patronyme, nous citons Alfred Désilets : « Jean-Baptiste, frère de Michel, était navigateur, ce qui ne l’empêchait pas de posséder une terre à Champlain, sur le bord du fleuve, en face ou près de l’île Valdor, entourée d’îlots »
10. Il n’y avait pas encore de chemin sur la rive du Saint-Laurent, seule voie de communication entre Québec et Montréal. « La région dite ‹ du bord de l’eau ›, … a une vie propre à elle… Les deux rives du fleuve sont comme deux rue d’un même grand village, unies par des transactions régulières, des liens de parenté, des habitudes de réunions joyeuses »
11. « La résidence de Jean-Baptiste se trouvait sur le bord de l’eau, et les navigateurs disaient qu’il était des îlets »
12. Histoire des Désilets 69 Constatation faite par l’auteur en compilant les données pour le Dictionnaire généalogique des Désilets.
10 DÉSILETS, Alfred, Souvenirs d’un Octogénaire, Imprimerie P.-R. Dupont, Trois-Rivières, 1920, page 15.
11 PROVENCHER, Jean, Les quatre saisons dans la vallée du Saint-Laurent, Éditions du Boréal,
Montréal, 1988.
12 DÉSILETS, Alfred, Souvenirs d’un Octogénaire, Imprimerie P.-R. Dupont, Trois-Rivières,1920, page 15.
