Jean Baril (1646-1724)

J’entends encore, j’attends encore, dans le brouhaha des charrettes qui descendaient les côtes, et j’entends encore, j’attends encore, par-dessus le crissement des roues, le cri du charretier qui s’arrête tout juste devant la maison :  Whoa!

Jean Baril (1646-1724)

Jean Baril est décédé le mercredi 9 février 1724, à l’âge de 78 ans, à Batiscan.

Rivières – Lumière – Moulins

Ils sont disparus.

Et voici qu’on me demande de raconter l’histoire de cette famille. Moi, qui ne cesse d’enterrer nièces et neveux. Cette vie qui s’achève, disparue comme le bois qui flottait sur la rivière et qui flotte maintenant sur des camions, je la revois dans une lumière qui n’existe plus, providence d’une autre époque.

Bien sûr, je ne saurais jamais dire cette lumière aussi correctement qu’un cinéaste, mais les plus grands cinéastes envieraient les visions que j’en garde. Elle glissait sur les tapis printanières, dans les sous-bois non encore enfeuillés.

Elle tombait des hauteurs d’été, chassant la fraîcheur de partout, sauf les petits fruits qui nous fondaient dans la bouche. Elle faufilait rouge et dorée à travers les frondaisons de l’automne, secouées par le vol d’une perdrix. Jusqu’à, l’ardeur du soleil disparu, entourés de pentes de neige et de jours gris, nous rêvions par des nuits blafardes sous le vigile de la lune.

Auprès de la rivière, la rivière qui nous a élevés, jamais entendions-nous parler de crise de l’énergie, chose qui dépasse mon entendement et mon âge.

En 1907, il suffisait qu’elle coulât cette rivière, sans cesse, nous amenant du fonds des rangs, en une parade continue, dans un bruit d’hommes, de chevaux et de roues, ceux qui avaient arraché quelques richesses au sol, à la forêt, et qui avaient maintenant besoin de la farine, de tissus et de planches.

Cette histoire, je la raconte sans chagrin.

J’entends encore, j’attends encore, dans le brouhaha des charrettes qui descendaient les côtes, et j’entends encore, j’attends encore, par-dessus le crissement des roues, le cri du charretier qui s’arrête tout juste devant la maison :  Whoa!

Oui, oui, j’arrive.

Je viendrai en chantant la chanson d’entant, dans <<le trou>>, au défaut des deux côtes et du creux de moi-même.

Le cimetière est en haut, qui m’entend et qui m’attend.

Basé sur des extraits du premier chapitre de « Stornoway »

par Jean O’Neil, Éditions Libre Expression, 1996. ISBN 2-89111-686-0

By René Arbour

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