La pharmacie à bord du Massiac en 1761

 

La pharmacie à bord du Massiac en 1761

Famille-Arbour.com présente le pharmacien de bateau. Dans la majorité des voyages en Nouvelle-France les médicaments disponibles étaient limités.


 

A bord du Massiac, la médecine était dispensée par un chirurgien comme sur les autres navires de la Compagnie des Indes. Le recrutement des chirurgiens s’effectuait de deux façons : les jeunes gens, présentés par leur famille, travaillaient gratuitement à l’hôpital de Lorient et étaient ensuite embarqués s’ils avaient donné satisfaction ; d’autres chirurgiens plus âgés, ayant une expérience professionnelle, étaient engagés après examen de leurs certificats. Les connaissances des chirurgiens étaient assez limitées et leur permettaient uniquement de prodiguer les soins urgents.

Fin 1761, le Massiac était armé pour un voyage à l’île de France. Le départ a eu lieu de Lorient en février 1762, avec comme chirurgien de bord un dénommé Jacques Moujan de Mourgeau. Ce dernier devait dispenser ses soins à l’ensemble des personnes embarquées, c’est-à-dire aux 168 hommes d’équipage, aux 42 soldats de la Compagnie de Bessan et aux 6 passagers avec leurs 2 domestiques, pour un total de 218 personnes.

Comme pharmacopée, le chirurgien disposait principalement de médicaments anti-diarrhéiques, anti-dysentériques et fébrifuges car les maladies, qui entraînaient ces symptômes, existaient à l’état endémique dans les pays où se rendaient les navires de la étaient longs, avec peu d’escales et avec une nourriture de base dépourvue de vitamine C. Il embarquait aussi de nombreux onguents, emplâtres, baumes et huiles pour soigner les chocs et blessures traumatiques possibles et fréquentes pendant les manœuvres.

Sur les vaisseaux de la Compagnie le « coffre de mer » contenant les médicaments était relativement bien équipé par rapport à celui d’un vaisseau de la Marine Royale. Le principal problème, pour le chirurgien, concernant les médicaments, était leur conservation et le maintien de leurs propriétés médicinales pendant le voyage à cause des conditions de chaleur et d’humidité à bord du navire. En effet, dans l’extrait suivant, tiré d’un texte traitant des réclamations concernant les chirurgiens de Marine, il est mis en avant la difficulté pour les chirurgiens de conserver l’efficacité des médicaments :

« …le passage rapide dans des climats opposés, l’incommodité du local, la réduction ou l’altération des remèdes qui nous ont été confiés, et le plus souvent la privation absolue des moyens diététiques (d’une nourriture salutaire) ; tout nous contrarie et combat nos vues de traitement… ».

La pharmacie du Massiac, listée ci-après, met en évidence la richesse et la diversité des produits pharmaceutiques embarqués ; ceux-ci provenaient principalement de plantes et de produits naturels. Dans celle-ci, il y avait 181 médicaments sous des formes très variées telles que les électuaires, les opiats, les extraits, les pilules, les trochisques, les pierres, les sels, les miels, les sirops, les eaux, les teintures, les esprits, les huiles, les baumes et les emplâtres..

Etat des médicaments tant composé, que simple,

pour le vaisseau le Massiac, pour 160 hommes, pour un an,

et 20 passagers pour 6 mois

Gaspard Cochon-Dupuy, premier médecin du port de Rochefort et directeur de l’école de chirurgie à partir de 1757, indique dans un mémoire de 1760 son sentiment quant à l’utilisation des plantes en médecine :  » Les plantes sont d’un usage très familier dans la médecine pratique.

Il est donc nécessaire que celui qui les administre les connaisse, qu’il sache distinguer par les vertus qu’elles ont celles qui sont capables de produire un effet plutôt qu’un autre. On n’emploie pas indifféremment toutes les parties d’une plante, les feuilles ont dans quelques-unes une propriété différente des racines de la même plante. Il en est de même des fleurs, de la graine ou semence de quelques-unes et des fruits. Il y a outre cela différentes manières d’employer chacune de ses différentes parties. Il faut donc que le chirurgien de la Marine, comme un apothicaire, soit muni de toutes ces connaissances sans lesquelles, il tombera tous les jours dans les fautes les plus grossières car il n’y en a point de petites dans une profession dans l’exercice de laquelle il s’agit toujours de la vie des hommes « .

La pharmacopée du Massiac servait à soigner les maux et les maladies suivantes :

 Le mal de mer : avec l’eau de la reine de Hongrie.
 Les maux d’oreille avec l’anis.
 Le scorbut : avec l’opiat antiscorbutique et l’esprit de cochléaria.
 La syphilis : avec les pilules mercurielles.
 Les mots de ventre et les maladies digestives : avec les yeux d’écrevisse (Ce n’est pas les organes visuels mais une concrétion calcaire sécrétée par l’estomac des écrevisses lors de leur mue).
 Les affections bronchiques et les maux de gorge : avec les miels et les sirops.
 Les blessures, les traumatismes et les séquelles de la chirurgie mutilante (amputation, trépanation) : avec les baumes, les onguents et les emplâtres. Les plaies infectées étaient nettoyées avec l’aloès.

Certains médicaments étaient utilisés pour leur fonction émétique (Qui provoque le vomissement) comme l’ipécacuanha ou purgative comme l’esprit de casse, la rhubarbe, le jalab et le sel d’Epsum ; et d’autres pour leurs propriétés calmante et antispasmodique comme le laudanum, la thériaque, le diascordium et le camphre.

Des produits étaient aussi utilisés comme stimulant : les toniques comme le quinquina et l’eau vulnéraire de Suisse.

En conclusion, nous pouvons dire que la liste des médicaments embarqués à bord du Massiac, lors de son voyage de début 1762, met en évidence que la pharmacopée à disposition du chirurgien des navires de la Compagnie des Indes était importante et variée. Cette dernière permettait de soulager de nombreuses maladies pouvant survenir à bord en mer ou lors des escales. Le chirurgien était un homme seul qui devait faire face aux différentes pathologies uniquement avec son savoir et son expérience. La formation des chirurgiens très succincte au début du 18e siècle s’est considérablement améliorée au cours du siècle. La mise au point des médicaments, à base de plantes médicinales, a nécessité la création de nombreux jardins botaniques en particulier à Rochefort, Toulon, Brest, Lorient, Nantes et Paris. La proximité des jardins botaniques près des hôpitaux et des écoles de formation permettait une formation des médecins et chirurgiens très concrète en particulier pour les cours de botanique.

 

samedi 1er février 2003, par Jean-Yves Le Lan

By René Arbour

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