Les maladies ont une histoire

 

Les maladies ont une histoire

Famille-Arbour.com présente les maladies du 19 siècles qui sont les mêmes aujourd’hui mais plus rafinées.


 

A sa nomination le 23 juillet 1873, à la cure des Roches de Condrieu Jean Pierre COUTURIER2 est âgé de 54 ans. C’est un enfant du pays puisqu’il est né dans la paroisse le 13 mars 1819. Ordonné prêtre en 1843 il a été successivement vicaire à Biol, curé à Corbas (alors en Isère) Châteauvillain, Saint Maurice l’Exil (à quelques kilomètres au sud des Roches). Il vient de la cure d’Ecloses.

 

L’un des premiers actes religieux du nouveau curé est « la sépulture ecclésiastique » donnée le 25 août à Etienne DUTAL, « décédé le 23 à 11 heures du soir, d’une blessure au bras, à l’âge de 75 ans » Etienne DUTAL est mort « muni du sacrement de pénitence et de l’extrême onction ».

Le curé COUTURIER [1]va ainsi, au fil des enterrements, noter sur le registre paroissial de cette petite commune de l’Isère (à 12 Kms au sud de Vienne, au bord du Rhône) les causes ou les circonstances des décès des Rochelois [2]. Ces « notes médicales » laissent penser qu’il a quelques connaissances en médecine.

Le curé COUTURIER va en plus préciser, indication importante, l’attitude des mourants devant la religion catholique. Il est bien sûr évident que ses considérations ne concernent que des agonisants ayant demandé, eux ou leur famille, le secours du prêtre en leurs derniers instants. Nous aurons l’occasion d’y consacrer un prochain article.

Causes des décès aux Roches

Certains Rochelois meurent subitement, comme Annet SUBERT, 77 ans, le 21 août 1873.

Thomas BARBIER, veuf de Marie Anne CLEMARON, meurt « sans avoir pu recevoir les sacrements ». Il décède à 68 ans, le 28 janvier 1874 « d’une apoplexie foudroyante ».

Le 16 mai 1875 Nicolas PLASSON, 78 ans, veuf de Reine GARAT, est foudroyé à 1 heure de l’après midi « d’une attaque d’apoplexie ».

Le 6 juin de la même année, Madeleine LEVET est victime elle aussi, à 79 ans, d’une apoplexie. Jeanne BOUNET, à 11 heures du matin le 8 novembre 1875, est frappée aussi subitement. Le 10 novembre elle est inhumée aux Roches. Morte à 72 ans « munie des sacrements de pénitence et d’extrême onction », ses funérailles sont « honorées par la présence du Saint Rosaire dont elle faisait partie ».

Les maladies du poumon restent les plus grandes responsables des décès. Léon MOUCHEROUX « décédé le 7 novembre 1873 à 8 h ½ du matin d’une pleurésie » avait 31 ans et était boulanger. Marie TRANCHAND, 87 ans, meurt « de pleurésie » aussi le 20 septembre 1874. Fin novembre, le 28, Etienne FOUR, 67 ans, meurt « à 2 heures du matin d’une pulmonie ». Il faut probablement comprendre qu’il décède des suites d’une pneumonie. Le 13 janvier 1874 François TRANCHAND « ancien militaire des Musiques ? » meurt à 33 ans « d’une phtisie pulmonaire ».

Marguerite BENATRU, 79 ans, meurt le 20 avril 1874 « d’une fluxion de poitrine » comme aussi Etienne LENTILLON, décédé à Lyon et transporté aux Roches pour y être inhumé (3 mai 1874). 

Marie GAYET, veuve BAUDRY, est victime elle aussi de la « fluxion de poitrine » à 71 ans le 8 mai 1874 à 8 heures du matin ! Cinq cas recensés aussi en 1875, onze en quatre ans.

« La fièvre muqueuse » emporte à 64 ans Maurice VOIRON (15 octobre 1874) et « les suites d’une fièvre muqueuse » font mourir à 15 ans Anna TINLAN le 23 octobre : ce sont les deux seuls cas.

« L’asthme » aussi fait beaucoup de victimes :

Mathieu MASSARD, 64 ans (22 avril 1874).
Louise GUILLERMET, 79 ans (3 février 1875).
Olympe BIRON, 59 ans (22 février 1875).
Blanche CHAVANNE, 70 ans (28 février 1875).
Catherine FLACHET, 51 ans (29 mars 1875)…
Cinq cas en quatre ans !   Cinq personnes décèdent « d’un refroidissement » entre 1873 et 1877 : c’est peu, et vague…Quel organe est il atteint par ces « refroidissements » intervenus en avril 1874, janvier 1875, mars 1875, juillet 1876 ?

Peut être le poumon si l’on pense que les « pleurésie » « pulmonie » « phtisie pulmonaire » et autre « fluxion de poitrine » concernent le poumon.

Mathieu CHAMPIN, 41 ans, meurt aussi « du poumon » le 27 mars 1874. Noël TAVIANT décède à 70 ans pour la même cause le 30 juillet 1874. Dix cas constatés avec cette cause sur quatre ans !

« Le poumon, le poumon ! » comme le dit Diafoirius dans le Malade imaginaire de Molière !

On pense bien sûr au mal du siècle : la tuberculose pulmonaire. Au fil des pages du registre des sépultures, on note pour causes de décès « la consomption » et « consomption finale » Ce terme indique l’amaigrissement et le dépérissement observés dans toute maladie grave et prolongée. La consomption est devenue synonyme de tuberculose pulmonaire, confondant la maladie avec ses conséquences.

Certains ont d’autres pathologies : cœur, cancer de l’estomac, mal d’entrailles.

« Maladie de cœur » pour Hermance Augustine VIOSSAT « , femme SARRE », morte à 28 ans le 27 octobre 1873. Même cause pour Marguerite MILLET, décédée le 13 février 1874 et pour Claudine DUTRIEUX morte le 24 février 1874.

Mathieu SAPIN, « atteint d’une affection organique du cœur » meurt à 92 ans le 25 mai 1874. Le 13 décembre 1875, Joseph Antoine BRESSON meurt du même mal à 78 ans.

Une septuagénaire meurt en juillet 1876 « d’un anévrisme au cœur ». Entre août 1873 et août 1877, sur quatre ans, Jean Pierre COUTURIER mentionne quinze fois une cause de décès liée au cœur sur 121 actes de sépulture.

Certains sont probablement morts d’un infarctus du myocarde.

Quelques jours plus tard « un cancer de l’épiploon » est la cause du décès, le 4 juin 1875, de Jeannette CLEMENCON à 58 ans. L’épiploon est « le repli du péritoine qui relie entre eux les organes abdominaux » (dict. Robert) Le grand épiploon unit l’estomac et le colon, le petit relie le pancréas et la rate. Comment notre curé sait il cela ? Le 2 février 1874 Pierre MOUSSET est mort lui « d’un cancer à l’estomac » à 71 ans. Le 6 mars 1877 Louise ROSIER meurt « d’un cancer intestinal » à 64 ans.

Jean MAS, 47 ans, est victime le 19 décembre 1874 « d’une inflammation d’entrailles » Jean Auguste ASTIER, 4 mois, meurt du même mal le 28 avril 1875. En août 1874 une septuagénaire meurt « d’une maladie de foie ».

Madeleine PONCET « femme VINCENT » est décédée le 28 novembre 1875 « d’une péritonite » à l’âge de 60 ans. Est-ce à la suite d’une appendicite ?

Le 2 août 1874 Michel MAS, de Gerbay, meurt « d’hydropisie » a 50 ans.

Le 8 avril 1875 Delphine MARTEL meurt à 36 ans atteinte du même mal.

Les maladies infantiles sont fréquemment la cause du décès de jeunes enfants :

« Marie Louise Antoinette Joséphine OLAGNON, décédée le 21 mai 1875, à 10 heures du matin, de la rougeole » n’a que 10 mois. De petits paroissiens décèdent « d’une mauvaise conformation » : Jean Baptiste ROUX décédé a 25 jours le 7 février 1874, Marie MARTIN un jour le 26 avril 1875.

Souvent la naissance se passe mal : Etienne LARDEAU mort « après avoir reçu l’eau de la femme sage » (c’est-à-dire ondoyé) le 12 mai 1874 était trop fragile pour vivre.

« La suite d’une couche » est la cause du décès de Marie ROUX, épouse de Pierre ROSTAING, décédée à 27 ans le 15 juin 1875 ; Le 15 mai elle avait donné naissance à Catherine Antoinette Céline. La fille du « voiturier par eau » n’avait d’ailleurs été baptisée que le 23 mai : elle était trop faible pour l’être plus tôt.

Des maladies plus rares, certaines d’origine exotique, sont signalées par notre curé :

Le 3 février 1876 Jean PONCET est inhumé à 57 ans. Il est mort le 1er février « d’une maladie de larinx » (larynx, bien sûr) « muni des sacrements, son état ne lui permettant pas de recevoir la Ste Communion ».

Même cas en juillet 1877 pour cet homme de 64 ans mort « d’un chancre contagieux…muni des sacrements de pénitence et de l’Extrême Onction, son état ne lui permettant pas de recevoir la Ste Eucharistie ».

Le 9 avril 1876 est inhumé Jean CHAPAS, 8 ans, fils de Jean CHAPAS et d’Etiennette CHANAL. Il est mort la veille « à 3 heures du soir, d’une fièvre tiphoïde » Le 19 août de la même année, à 40 ans, Julie RIVIER, épouse DELACHAUD, meurt « à minuit de la fièvre tiphoïde ».

Cette maladie infectieuse et contagieuse est elle arrivée aux Roches avec « les mendiants » ou les « marchands ambulants » signalés alors dans la paroisse, ou tout simplement par un manque d’hygiène ? Quelques causes de décès sont notées, de façon plus hasardeuse, par notre curé :

« prostration », « oppression », « décomposition de sang », « suites de convulsion », « maladie de nerfs », « rétention d’urine ».

Pour terminer, cause de décès fréquente au bord du Rhône, la noyade : Le 6 juin 1875 est enterré aux Roches « Louis BERGER, natif de Sardieu, garçon boucher à Givors, noyé dans le Rhône le 1er juin, trouvé aux Roches le 5 à 5 heures du soir, décédé à l’âge de 44 ans ».

Le 6 août 1876 Jean Pierre PRIEZ est inhumé à l’âge de 24 ans « natif de Vigneu, canton de La Tour du Pin,noyé dans le Rhône à Lyon, le corps étant arrivé aux Roches le 26 juillet ».

Pour information :

Nous empruntons le titre de cet article au numéro spécial de la revue « l’Histoire » (N°74) dans lequel le lecteur curieux pourra trouver bien des renseignements, notamment sur le typhus et le cancer. Nous renvoyons aussi, pour la période étudiée, à « La France des patriotes » (1851à 1918) par François CARON, au chapitre intitulé « la révolution médicale et l’hygiène publique » pages 323 et suivantes.

 

(ou les notes médicales du curé Couturier)

By René Arbour

Management certificate of Credit Card (New York - 1983-84) Bac Administration , Security for the people (Minesota 1984)