’LE SCORBUT’’

 

’LE SCORBUT’’

Famille-Arbour .com présente une des plus terrible maladies des voyageurs en bateaux pour découvrir la Nouvelle-France et les Indes.


 

« Le scorbut est occasionné par la mauvaise qualité de l’air et des aliments. Les officiers, qui sont mieux nourris et mieux logés que les matelots, sont les derniers attaqués de cette maladie, qui s’étend jusqu’ aux animaux. Mon chien en fut très incommodé.

Il n’y a point d’autre remède que l’air de la terre et l’usage des végétaux frais. Il y a quelques palliatifs qui peuvent modérer le progrès de ce mal, comme l’usage du riz, des liqueurs acides, du café, et l’abstinence de tout ce qui est salé. On attribue de grandes vertus à l’usage de la tortue : mais c’est un préjugé, comme tant d’autres que les marins adoptent si légèrement. Au cap de Bonne-Espérance, où il n’ y a point de tortues, les scorbutiques guérissent au moins aussi promptement que dans l’hôpital de l’île de France, où on les traite avec les bouillons de cet animal. À notre arrivée, presque tout le monde fit usage de ce remède ; je ne m’en servis point, parce que je n’en avais pas à ma disposition ; je fus le premier guéri : je n’avais usé que des végétaux frais.

Le scorbut commence par une lassitude universelle : on désire le repos ; l’esprit est chagrin ; on est dégoûté de tout ; on souffre le jour ; on ne sent de soulagement que la nuit ; il se manifeste ensuite par des taches rouges aux jambes et à la poitrine, et par des ulcères sanglants aux gencives. Souvent il n’ y a point de symptômes extérieurs, mais s’il survient la plus légère blessure, elle devient incurable tant qu’on est sur mer, et elle fait des progrès très rapides. J’avais eu une légère blessure au bout du doigt ; en trois semaines la plaie l’avait dépouillé tout entier, et s’étendait déjà sur la main, malgré tous les remèdes qu’on y put faire. Quelques jours après mon arrivée, elle se guérit d’elle-même.
Avant de débarquer les malades, on eut soin de les laisser un jour entier dans le vaisseau, respirer peu à peu l’air de la terre. Malgré ces précautions, il en coûta la vie à un homme qui ne put supporter cette révolution. Je ne saurais vous dépeindre le triste état dans lequel nous sommes arrivés. Figurez-vous ce grand mât foudroyé, ce vaisseau avec son pavillon en berne, tirant du canon toutes les minutes ; quelques matelots semblables à des spectres, assis sur le pont ; nos écoutilles ouvertes, d’où s’exhalait une vapeur infecte ; les entreponts pleins de mourants, les gaillards couverts de malades qu’on exposait au soleil, et qui mouraient en nous parlant. Je n’oublierai jamais un jeune homme de dix-huit ans à qui j’avais promis la veille un peu de limonade. Je le cherchais sur le pont parmi les autres ; on me le montra sur la planche ; il était mort pendant la nuit.
 »

En conclusion, nous pouvons dire que sur Le Marquis de Castries, les premiers cas de scorbut sont apparus après approximativement un mois de mer. Les premiers marins atteints avaient déjà probablement des carences alimentaires à l’embarquement, les rendant plus fragiles. Au bout de quatre mois de mer, c’est la moitié de l’équipage qui est touchée par le scorbut et le reste est très affaibli. Cinq marins en décéderont avant d’arriver au port et probablement plusieurs une fois à l’hôpital de Port-Louis car sur le rôle il est précisé que plusieurs débarquent malades.
Sur le navire, aucun officier et passager n’ont eu le scorbut. La nourriture différente en est très certainement la raison.
La cause du scorbut est ignorée par l’équipage qui croit que c’est la cargaison qui occasionne ce mal. Le remède de type « bouillon de tortue » ne semble pas très efficace et Bernardin de Saint-Pierre constate qu’en mangeant des légumes, il guérit plus vite.

Note bibliographique : Cette étude a été réalisée sur la base des informations contenues dans l’ouvrage de Bernardin de Saint-Pierre intitulé Voyage à l’île de France, édité par Merlin à Paris en 1773. Des précisions sur les noms des membres d’équipage décédés ont été apportées par les mentions contenues dans le rôle d’équipage du Marquis de Castries détenu au Service historique de la Défense – département Marine à Lorient à la cote 2 P 43.

 

Il notera toutes ses réflexions sur le scorbut dans son journal et nous les retranscrivons ci-après :

By René Arbour

Management certificate of Credit Card (New York - 1983-84) Bac Administration , Security for the people (Minesota 1984)