Histoire Famille Gosselin Pierre (1621-1690)

 

         NOTRE ANCÊTRE              GABRIEL  GOSSELIN

 

Par :LEBEL, Gérard, Nos ancêtres, 

       vol. 9, pp. 47  à 56, 1984.

 

                                                                                                                                                   À 5 kilomètres au sud-est de Thury-Harcourt, en Basse-Normandie, une commune du département du Calvados, arrondissement de Falaise, Combray se présente comme la petite patrie de l’ancêtre canadien Gabriel Gosselin. Fils de Nicolas et de Marie Dubréal, c’est là qu’il naquit en 1621. Sa maison natale existe toujours ainsi que la vieille église de St-Martin, bien que désaffectée, où il reçut le baptême. Aujourd’hui, la population de l’endroit n’atteint pas 200 personnes; elle ne possède pas un Gosselin, pas un descendant de son frère Jean, né en 1616 décédé en 1690.

Âgé de plus de trente ans, Gabriel Gosselin traversa l’Atlantique, vers 1652. Possédait-il des parents au Canada pour le recevoir ? Aucune preuve. Philippe Gosselin, un inconnu, époux de Vincente Després, avait été inhumé à Québec le 31 janvier 1649. Aucun lien ne rattache Gabriel à Nicolas Gosselin, habitant de Trois-Rivières en 1654, convaincu d’avoir donné de l’eau-de-vie aux Amérindiens et condamné à 50 livres d’amende ou à 50 francs de service aux fortifications de la ville, «le fers aux pieds» (HAQ. 1924-25,386).

Prélude

Éléonore de Grandmaison, épouse de François de Chevigny, avait obtenu d’Olivier Letardif en mars 1649 un fief à la pointe Ouest de l’île d`Orléans. Après la mort en mer de son second mari, Éléonore, première femme blanche à vivre sur cette île, épousa Jacques Bourdeau de Beaulieu, le 13 août 1652. C’était un homme instruit et sympathique. C’est lui qui, le 31 novembre de la même année, concéda à Gabriel Gosselin une terre de 4 arpents de front au bout de l’île, aujourd’hui Ste-Pétronille, à la condition expresse «de s’y establir dans l’année» et d’y avoir ‘feu et lieu’.

Un contrat de mariage paraphé le 22 juin 1653 par le notaire Rolland Godet apporte de précieuses précisions au sujet de ce Gabriel et de sa future épouse. La cérémonie se déroule à «la maison de Mousseaux size proche Sillery».

D’un côté, Gabriel avec le seigneur Gourdeau; de l’autre, Françoise Lelièvre avec Mme Jean Bourdon, Anne Gasnier, protectrice charitable et dévouée des jeunes filles qui venaient de France en Canada. Nous avons la tentation de conclure ceci: Françoise était venue comme servante engagée de Charles d’Aillebout, «de Mousseaux», frère du gouverneur Louis, peut-être sur le même bateau que son futur mari. Gabriel, lui, se serait mis au service Gourdeau dès son arrivée.

Gabriel et Françoise Lelièvre, 17 ans, native de Nancy, en Lorraine, fille de Christophe Lelièvre et de Georgette Clément, reçurent la bénédiction nuptiale le 18 août 1653, à l’église N.-Dame de Québec.

Le couple passa-t-il l’hiver 1653-54 à l’Île d’Orléans ? Gabriel avait-il eu le temps de construire cette maison de 36 pieds de longueur, 17 de largeur, faite de pierre et de bois, couverte de paille, que le notaire Becquet évaluera à 300 livres le 26 octobre1677 ? Malheureusement perdu, l’acte de baptême du premier enfant Gosselin, Ignace, nous aiderait peut-être à désigner la résidence de cette famille.

Le second fils, Guillaume, né le 25 septembre 1657, fut baptisé à Québec, l’église la plus proche, le7 octobre, par le Sulpicien Gabriel de Queylus, celui qui donnera, l’hiver suivant, Sainte-Anne comme titulaire d’une nouvelle paroisse de la Côte de Beaupré.

Allégro

La première période de la vie canadienne de Gabriel Gosselin s’étend de 1652 à 1677, un quart de siècle pendant lequel il se débat vivement et gaiement, allégro, comme propriétaire foncier le plus important de l’Île et père d’une famille nombreuse. À la concession de 1652, J. Gourdeau en ajoute une seconde le 15 septembre 1658.

Le seigneur Gourdeau mort, son successeur, Jacques Cailhaut en octroie 2 autres dont l’une le 12 octobre 1667. Pierre Gilbert vend à Gosselin 38 arpents de terre dans le territoire de St-Pierre, le 14 août 1664. Et après 1666, à St-Pierre, Vincent Poirier, dit Bellepoire glisse, dit-on, 207 arpents carrés à Gabriel. Cette possession se trouve vis-à-vis la jetée actuelle du pont de l’Île.

On parle aussi de l’acquisition par Gabriel d’une terre de J.•B. Peuvret de Mesnu en 1667, 100 arpents pour 65 livres; de celle de Jacques Bernier, le 28 avril 1674, au prix de 110 livres. Est•ce suffisant? Non pas. Les Ursulines de Québec lui concèdent 2 1/2 arpents de terre de front à St-Laurent, près de Gabriel Lemieux, le 9 avril 1675, moyennant 60 sols en argent à verser chaque année, le 11 novembre, sans oublier «les deux bons chapons vifs». Vincent Guillot acquerra ce bien le 16 juin 1676.

Les Hospitalières avaient, elles aussi, 2 arpents de front de terre avec dépendances à St-Laurent, fief de Mesnu. Le revenu devait aller aux pauvres de l’Hôtel-Dieu. Gosselin, le 21 novembre 1676, promet verser 100 livres pour ce bien en plus de payer le cens et les rentes seigneuriales.

Posséder des terres, c’est bien; les mettre en valeur, c’est mieux. Gosselin savait s’organiser et se faire aider. En 1666, François Noël, Jean Pacault et Louis Sinadier travaillaient pour lui comme engagés domestique. L’année suivant, un nouveau serviteur: Toussaint Gerdeau. À cette époque, Gabriel avait bien 55 arpents en culture, seulement dans sa ferme de 1652, et 20 bêtes à cornes.

En plus de sa maison, d’une grange (81 x 20 pieds), de deux hangars, d’une bergerie (30 x 20), de deux hangars sur les autres fermes, nous découvrons un petit bâtiment «de colombage pierroté» (27 x 19), avec fondement fait de pieux de cèdre, couvert de paille, servant de chapelle au missionnaire ambulant. Les registres de Château-Richer parlent de cette chapelle, le 27 septembre 1664.

L’Île d’Orléans ne suffisait pas à cet homme. Dès 1657, il achète de Nicolas Chesneau un terrain à la basse-ville de Québec. Deux ans plus tard, il y a une maison sur cet emplacement de 40 pieds par 20. En 1662, on parle de cette maison avec galerie sur la fosse qui regarde le port, près de la rue Cul-de-sac. Évidemment, cette propriété louée rapporte des profits.

À la maison, Françoise Lelièvre, l`épouse dévouée, possède tout ce qu’il faut pour tenir maison et présenter des repas appétissants: 1 crémaillère, 1 gril, 5 marmites, 1 coquemar, 6 plats, 24 assiettes, 12 fourchettes d’étain, 24 cuillers, 1 salière, 2 tasses d’argent pour les visiteurs, etc.

 

Elle pouvait servir de la poule, de la dinde farcie, du lard et des rôties de boeuf, de l’agneau, du gibier à poil et à plume de toutes sortes. Avec des récoltes de 250 minots de blé, aucun problème pour obtenir la farine nécessaire à la cuisson des miches dorées, à la boulangerie mesurant 10 pieds par 9. Françoise servait des pois récoltés en quantité sur la ferme et aussi du blé d’Inde. Voyez les 36 terrines «à mettre le lait» et la barrate à beurre. Cinq peaux de mouton peuvent à l’occasion réchauffer les plus frileux des dix enfants à bords: 9 garçons et 1 fille.

Hélas! Cette ruche bourdonnante subit une épreuve terrible, probablement en 1676. Françoise, reine du foyer, décéda. Son acte de sépulture compte parmi les 10 000 autres actes manquants dans nos registres canadien-français. Pareil malheur va-t-il s’abattre sur l’ancêtre de 56 ans et sa famille?

Andante

Gosselin veut dire petit gars. Gabriel ne portait pas son nom; il était un homme fort et actif. L’épreuve ne l’abattit pas mais exigea de lui un mouvement plus modéré, andante. Gabriel connaissait les Guillot qui avaient pour mère Marie d’Abancour, épouse en premières noces de Jean Jolliet, le père de Louis, découvreur du Mississipi. Louise Guillot, baptisée à Québec le 11 octobre 1659, fille de Mathurin et de Marie d’Abancour, veuve de Mathurin Renaud, passe un contrat de mariage avec Gabriel Gosselin, le 28 septembre 1677.

Le curé de Ste-Famille, Î.O., bénit leur union, le 4 octobre. Trois semaines plus tard, Gabriel procède devant notaire et témoins à l’inventaire de ses biens. La nouvelle épouse, 18 ans, prend en charge le foyer Gosselin; elle y dépose même deux nouveaux rejetons, Pierre et Louis.

En 1675, Gabriel avait vendu sa maison de la basse-ville à Pierre Duquet, pour 1500 livres. Il en construisait une autre beaucoup plus considérable à Place Royale en 1677: 37 pieds de longueur, 26 en largeur et 28 pieds de maçonnerie en hauteur, avec cheminées au milieu. Dépense de plus de 3500 livres, semble-t-il. Cette construction s’élevait sur le lot obtenu de Geneviève Chavigny, l’année précédente.

L’ancêtre s’est servi alors des pierres et du bois provenant du fort Huron qu’il possédait à l’île. À preuve, le 23 février 1676, il «s’engage à fournir au maçon Lerouge quelques pierres de jambages et coings qui sont à une cheminée de l’ancien fort de l’île».

Hélas! Le feu dévora cette habitation le 5 août 1682. Rien n’arrête Gabriel. En 1683, il demande les services de Claude Baillif, architecte qui avait fait les plans de l’église Ste-Anne en 1676, pour établir les devis d’une maison à 4 étages. Retrouvez l’emplacement détruite en 1759, aujourd’hui au 21, rue Sous-le-fort, Québec.

En 1678, l’homme actif se présente 5 fois devant le notaire; l’année suivante, 7; autant de fois en 1684; durant toute sa vie, plus de 90. À l’Île d’Orléans, nous savons qu’Allary et François Dubois travaillaient pour lui. Gabriel possédait, au recensement de 1681, 2 fusils pour chasser le gibier; 45 bêtes ruminaient dans son étable à côté de l’ânesse; à la bergerie, 80 brebis, à l’époque, quelle réussite!

Jusqu’en 1689, Gosselin met de l’ordre dans ses affaires. Il vend, achète, loue et même partage avec ses enfants. L’an 1684 annonce l’apogée du crescendo. Le 8 mars, il fait son testament dans lequel des dons substantiels sont offerts à l’Église: 1500 livres pour messes; 400 livres au Séminaire; 200 livres aux Récollets, etc.

Le géant a-t-il la trouille? «Devenu comme paralytique du col et du bras, ne pouvant qu’avec peine lever la tête et se tourner, ayant fait vœux à sainte Anne, a reçu guérison et continu, tous les ans, d’aller dans son église du Petit-Cap, lui rendre ses actions de grâce» (Ch. Gosselin, Figures d’hier et d’aujourd’hui, 2, 29). Ce recours à sainte Anne se situe dans le sillage d’une dévotion sincère. En 1664, il avait donné deux livres à l’église Ste-Anne; l’année suivante, 12 livres. (RAQ, 1967, 188 et 195).

Adagio

Les dernières années de l’ancêtre, 1689-1697, sont celles d’un vieillard que menace encore la paralysie. Il vient de transporter ses pénates à la Basse-Ville, rue Sous-le-fort. Coup dur pour son moral.

Le 9 mai 1589, Gabriel fait faire l’inventaire de ses terres et retouche son testament. Mgr de Laval approuve ces nouvelles dispositions et signe, en présence de Gabriel, avec Mgr de St-Vallier. Le notaire écrit pour la première fois: bourgeois demeurant en cette ville de Québec. Au civil, c’était une couronne posée sur la tête d’un ancêtre qui ne savait même pas signer.

Seulement en cette année de 1689, le bourgeois passe 4 baux à ferme; l’année suivant le notaire Rageot en parapha 2 autres. En 1691, G. Gosselin se départira de 3 terres. L’on sait que notre homme cumula jusqu’à 7 fermes en même temps; il en posséda une dizaine. Bail à louer pour un an par Gabriel de la moitié d’une maison à la Basse-Ville près de la grande plate-forme, lisons-nous dans Chambalon, le 7 octobre 1592. Dans un contrat signé le 28 février 1695, le père donne 400 livres de principal à son fils Gabriel. Et, quelques mois avant de mourir, l’ancêtre se fait concéder un banc à titre de rente foncière et viagère par le curé François Dupré et les marguilliers de N.-D. des Victoires.

Le 6 juillet 1697, cet homme plus qu’ordinaire, ce géant colonisateur de l’Île d’Orléans mourait munit des sacrements de la sainte Église; il fut inhumé le lendemain à Québec, à l’âge de 76 étés.

La colonie venait de perdre un grand homme. On le voit par les actes du Conseil Souverain, fermier d’Èléonore de Grandmaison, témoin avec G. Morency dans la succession du sieur des Musseaux, curateur des enfants mineurs de feu sieur de Bondy et de veuve Marguerite de Chevigny, gardien de l’enfant de la veuve Jacques Dubois, etc.

Une fois, il est mêlé à la question de l’achat d’un justaucorps et doit payé 40 livres d’amende à Martin Bouffard, le 1er avril 1675. Qui d’entre nous ne s’est pas fait prendre une fois dans sa vie par un mauvais marché? Le notaire Romain Becquet avait voulu traîner Gabriel en justice mais fut condamné «pour son fol appel Et aux despends». Le marchand G. Duprat, locataire de Gosselin, s’est plaint au sujet d’une cheminée défectueuse. Le 10 juillet 1690, Gosselin est condamné; je dirais plutôt que ce fut son architecte.

Le temps n’a pu creuser de rides au visage de l’ancêtre Gosselin, honnête, judicieux, pacifique, entreprenant, chrétien de bonne souche.

Finale

Louise Guillot, 38 ans, veuve une seconde fois, ne savait trop que faire. Le 10 juillet, Louis Jolliet fut nommé tuteur des enfants. Le 18 mars 1698, on procéda au partage de la maison de la Basse-Ville. En résumé, Louise avait droit à 4500 livres dans la succession. La maison en valait 10 500. Les frères Gosselin décidèrent d’en donner la moitié à leur belle-mère, selon certaines conditions. Le même jour, |’aubergiste Pierre Babin loua l’autre moitié.

Le 1er septembre suivant, Louise épousait en 3ème noces un marchand influent de la ville de Québec, fils d’Étienne et de Martine Hurault, Pierre Haimard, que l’on découvre par la suite chargé d’affaires entre les marchands d’ici et ceux de Tours et de La Rochelle, juge prévôt à Notre-Dame-des-Anges. En 1716, ce Pierre Haimard avait 3 domestiques: François Valade, un Anglais et un jeune noir de 10 ans.

Les 2 enfants de Louise quittèrent un jour le nouveau foyer. Pierre Gosselin épousa M.-Madeleine Garinet, en septembre 1701, à Rimouski. Le couple engendre 9 enfants. Louis, le cadet, étudiant au Séminaire de 1694 à 1697, ne quitta jamais sa ville. Il épousa en 1711 Jeanne Duroy de qui il eut 10 enfants; et en secondes noces, Élisabeth Rasset, le 21octobre 1748.

Parmi les enfants du premier lit, un fils Guillaume né à St-Pierre en 1657, filleul du notaire Guillaume Andouart, vivait encore en 1667. Les deux derniers rejetons Françoise et Hyacinthe disparaissaient dans la fleur de l’enfance. Les 6 garçons restants s’installèrent tous à l’île d’Orléans, à l’exception de Jean, époux de Jeanne Tardif, cultivateur à l’Île-aux-Grues. L’aîné, Ignace, époux de M.-Anne Ratte, père de 11 enfants, vécut à St-Laurent; une partie de son bien avait autrefois appartenu aux Hospitalières.

Michel, l’époux de Marie Miville, père de 13 enfants, hérita de la terre paternelle à St-Pierre. L’époux de Françoise Labrecque, mère de 7 enfants, Françoise-Amable passa sa vie du côté sud de l’Île, à St-Laurent. Le fils Gabriel, époux de Madeleine Pichet, responsable de 5 enfants, cultive la terre à St-Pierre et décéda à l’âge de 38 ans. Pierre Haimard adopta alors le fils Pierre, son filleul, lui paya ses études; ce dernier mourut diacre au Grand Séminaire, le 22 novembre 1723. Comme Michel et Gabriel, François, l’époux de Charlotte Côté, mère de 10 enfants, vécut à St-Pierre jusqu’à l’âge de 81ans.

Comme une fleur rare, une seule fille Gosselin survécut. Née le 11 septembre 1667, baptisée à Québec le 25 du même mois, Geneviève avait eu comme parrain un lieutenant du régiment de Carignan, François de Monnery. À 15 ans, elle voulut vivre chez les religieuses de l’Hôtel-Dieu. Après 10 mois d’essai de vie consacrée, la postulante revint au foyer. Mais, quelques années plus tard, en 1688, la décision fut définitive: entrer chez les sœurs Augustines pour toujours. Son père et Louise Guillot avaient constitué une rente de 200 livres avec un capital de 2600. Ses frères s’étaient cotisés pour compléter la dot. Mère Ste-Madeleine fut une des fondatrices de l’Hôpital-Général, le monastère transformé des Récollets, et en devint même la supérieur. Elle décéda à Québec en 1739.

Un démarrage Gosselin si fulgurant au début de la colonie et l’existence aujourd’hui de milliers de descendants, engagés dans toutes les sphères de la société, répandus au Canada comme aux É.-U., nous suggère la pensée optimiste de danois Sôren Kiergaard :

«La vie ne peut être comprise qu’en regardant vers le passé; mais elle ne peut être vécue qu’en regardant vers l’avenir».

 

By René Arbour

Management certificate of Credit Card (New York - 1983-84) Bac Administration , Security for the people (Minesota 1984)