Histoire de Famille Beaugrand Jean dit Champagne (1640-)

Jean Bourgaran

Sur les origines de l’ancêtre Jean Beaugrand dit Champagne
par Jacques P. Beaugrand

jeudi 8 mai 2008

L’ANCÊTRE JEAN BEAUGRAND-DIT-CHAMPAGNE

par Antonio Champagne
publié en 1950, dans Mémoires de la Société Généalogique Canadienne-Française, 4, 73-85.

Bien que plusieurs milliers de Canadiens se réclament aujourd’hui de l’ancêtre Jean Beaugrand, sa descendance n’est pas parmi les plus nombreuses du Canada; nous verrons que les commencements ont été lents. Elle n’est pas non plus parmi les plus illustres. Elle n’a pas fourni à la nation ou à l’Église une longue liste de chefs ou de grands personnages.

Elle n’a pas donné à l’élite intellectuelle de nombreux et brillants sujets. Mais, d’un autre côté, (cela apparaît surtout à la deuxième et à la troisième génération), elle tient dès le commencement à remplir son rôle modeste, elle a ses ambitions, elle se refuse à rester dans la médiocrité.

Elle n’appartient pas à ce qu’on est convenu d’appeler l’élite, mais elle ne fait pas partie non plus de certaine masse amorphe et passive qui se laisse conduire au gré des événements et qui en reste toujours au même point.

Elle constitue une famille moyenne, comme tant d’autres qui sont la base solide et la structure même de la nation canadienne. Et nous avons pensé que c’était là un titre réel à l’attention du public et que nous pouvions sans crainte présenter ces notes sur Jean Beaugrand.

À quelques détails près, détails de personnes, de dates et de lieux, une multitude de familles canadiennes pourraient le reconnaître pour leur ancêtre.

Selon toute vraisemblance, l’ancêtre Beaugrand fut d’abord soldat et il appartenait à l’une des 24 compagnies arrivées à Québec de juin à septembre 1665. Était-il du Régiment de Carignan et de la Compagnie de Saurel comme on l’a affirmé, ou bien d’une des quatre compagnies de M. de Tracy ? Aucun document ne nous donne de précisions à ce sujet. Mais cela n’a qu’une importance relative puisque toutes les compagnies marchèrent sous un seul chef et accomplirent la même œuvre.

Note de JB: Selon http://www.fillesduroi.org/Regiment/Soldats/soldats.html
Jean Beaugrand (Champagne) était de la Compagnie de Saurel.

Nous le voyons seulement, après un stage provisoire dans la Seigneurie de Dautray, s’établir bientôt d’une façon définitive dans celle de M. Berthier. (Nous employons la forme  » Dautray  » de préférence à  » Autray « , parce que la première nous paraît plus conforme à l’histoire).

 

Dans l’une comme dans l’autre, il y avait des soldats de M. de Saurel et d’autres compagnies. Un argument assez sérieux en faveur de la première est que Jean Beaugrand semble fréquenter de préférence des soldats de cette compagnie, comme les Letendre, Piette, Hénault, etc. Il est à remarquer aussi que cette Seigneurie de Berthier fut d’abord concédée par Talon, le 29 octobre 1672, au Sieur Hugues Randin, enseigne de la Compagnie de Saurel, qui la revendit au Sieur Alexandre de Berthier un an après, le 3 novembre 1673.

Quoi qu’il en soit, nous savons le rôle important que jouèrent les 24 compagnies de 1665 dans l’établissement du pays, soit au point de vue militaire, soit au point de vue colonisation, et la plupart des nos familles peuvent se glorifier d’avoir parmi leurs ancêtres un ou plusieurs de ces soldats devenus colons.

Pour ce qui est de Jean Beaugrand, nous le voyons, après le licenciement des troupes en 1667-1668, s’établir bientôt sur une terre. Les documents nous montrent ses premiers descendants ambitieux d’agrandir le domaine ancestral, et la famille des Beaugrand a continué d’être, sauf de rares exceptions, une famille de cultivateurs.

À part quelques navigateurs, dont le fleuve tout proche a motivé la vocation, nous ne trouvons en effet, dans les sept premières générations, que des gens de cette classe.

Bon nombre de familles canadiennes ont l’avantage de retrouver au pays de France le lieu d’origine de leur premier ancêtre et autres détails auxquels l’amour filial donne une valeur inappréciable. La descendance de Jean Beaugrand n’a pas ce bonheur. Le nom de ses parents nous est inconnu, de même que celui du patelin qui le vit naître et de la paroisse où il fut baptisé. Nous en sommes réduits à des conjonctures sur la province ou la région d’où il tire son origine et même sur la forme exacte de son nom.

Les registres des paroisses auraient pu sans doute combler la plupart de ces vides, mais, dans cette région plus qu’ailleurs, beaucoup d’actes ont disparu. Pendant de longues années, Sorel et les environs furent desservis par des missionnaires faisant des séjours plus ou moins longs au milieu des groupes de colons ou parmi les soldats du fort Richelieu. Sorel, Berthier, Dautray, l’Ile-Dupas et une bonne demi-douzaine d’autres localités recevaient ainsi leurs visites par intermittence.

C’était un ministère difficile et même dangereux. Beaucoup d’actes ont dû être inscrits sur des feuilles volantes et se sont perdus. Sans compter les registres ou parties de registres égarés plus tard, comme nous en avons la preuve pour Sorel, Berthier, l’Ile-Dupas. Voilà comment il reste tant de points d’interrogation sur Jean Beaugrand, son épouse et leurs enfants, ainsi que sur plusieurs autres familles habitant alors cette région.

Le nom de l’ancêtre Beaugrand apparaît sous différentes formes. On trouve : Gougran, Bougrand, Bougueran, Baugran, Beaugrand, Bougrin, Bougron, et jusqu’aux extrêmes Boudron et Bourguerats. Mais il est évident, à voir les documents, qu’il n’y a que deux variantes importantes : Bougrand et Beaugrand.

Elles sont les seules qui reviennent d’une façon régulière et le reste n’est que caprice d’un chacun. La première de ces deux formes est la plus employée dans les commencements, mais la deuxième prévaut bientôt et s’installe définitivement. Le surnom de Champagne est employé dès le commencement et Jean Beaugrand le portait comme soldat à son arrivée de France. Peu à peu il prévaut et le nom de Beaugrand n’est plus porté que par quelques familles.

Nous pourrions tenter des hypothèses sur l’origine de cet ancêtre et la forme de son nom. Mais c’est toujours une pratique dangereuse et qui risque d’entraîner dans une mauvaise direction. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que les Beaugrand sont nombreux en France à l’heure actuelle, que leur nom s’écrit toujours sous cette forme et qu’on les trouve surtout dans l’ancienne province de Champagne.

Note de pjb sur le nom Champagne voir un autre blogue

Beaugrand Bougran Bogran Bouguerats Bégrand Bougueren Bouguerand

Bougrand, plus rapide et plus facile à prononcer, serait-il une corruption populaire ou régionale de Beaugrand ? L’association de ce dernier nom et de plusieurs localités de l’ancienne province à l’heure actuelle serait-elle un indice ? Nous ne pouvons le dire.

Nous avons un document, un seul jusqu’ici, portant la signature du premier ancêtre. Il agit comme témoin devant Adhémar, le 26-6-1676 et écrit assez maladroitement : Gean Bougeran. Mais le notaire écrit, se basant sans doute sur la prononciation courante :

 » En présence de Jean Bougaran-dit-Champagne, habitant de Dautray, témoin soussigné « . C’est quelque chose que de savoir signer son nom à cette époque, et à en juger par l’orthographe, la science grammaticale de l’ancêtre ne devait pas aller beaucoup plus loin. (Autre document du 26-8-1699 : Gean Bougueren).

Suivons maintenant, à l’aide des documents qui nous restent, l’ordre chronologique des événements qui concernent la vie de ce pionnier et de sa famille.

Jean Beaugrand, une fois libéré du service militaire, choisit donc de rester au pays. Environ 400 autres soldats font de même. Le roi encourage cette transformation du soldat en colon. Comme ses semblables, il recevra, moyennant une petite redevance annuelle du seigneur, une concession gratuite de terre et un don de cent francs en argent, ou, s’il le préfère, cinquante francs et les vivres d’une année.

(Le franc ou la livre de cette époque avaient sensiblement la même valeur que le franc en cours après la Révolution Française et jusqu’à la guerre de 1914 : il valait de 18 à 20 cents de notre monnaie (or) canadienne). Il avait 24 ans quand il s’engagea comme soldat. Il en a maintenant 27. Le recensement de 1681, en effet, lui donne 40 ans, ce qui le fait naître en 1641.

C’est vers la même époque, 1668 probablement, qu’il unit sa destinée à celle d’une jeune fille de 18 ans, Marguerite Samson. Elle serait née en 1649 d’après le document qui lui donne 32 ans, et aurait eu 8 ans de moins que son époux. L’acte de mariage manque, et l’origine de cette dernière reste aussi pour nous un mystère.

Nous savons seulement qu’il y avait plusieurs familles Samson établies à Québec depuis assez longtemps et qu’elles étaient originaires de Normandie.

Note de pjb
Nous savons auj. que Marguerite Samson était une Fille du Roi. Voir autre blogue.

Le premier de leurs enfants connus, Jean ou Jean-Baptiste, naît en 1672. Le recensement de 1681 lui donne 9 ans. L’acte de baptême n’existe pas. Jean et ses deux fils Antoine et Pierre-Simon sont les ancêtres de tous les Beaugrand-Champagne.

Un deuxième fils, Charles, est baptisé à Sorel le 27-7-1673. La seule mention que nous ayons de lui après cette date est celle du même recensement, qui lui donne 7 ans.

Une fille, Marie ou Marie-Anne, née à Dautray le 27-7-1675, est baptisée à Sorel le 29. Son parrain est Pierre Letendre, habitant de Dautray et soldat de la compagnie de Saurel. Elle a 6 ans au recensement de 1681 et c’est elle sans doute que nous retrouvons à Berthier le 3-3-1693. C’est la dernière mention que nous ayons d’elle.

Là se clôt la liste des enfants de Jean Beaugrand. Trois enfants, au cours d’une vie conjugale de plus de 20 ans, c’est peu pour cette époque, et il est probable que d’autres vinrent animer le foyer. La perte des premiers feuillets du registre de Sorel a bien pu faire disparaître à tout jamais les traces de plusieurs d’entre eux.

Où s’établit d’abord Jean Beaugrand, le soldat devenu colon ? Habite-t-il quelque temps la Seigneurie de Sorel, sous les canons protecteurs du fort Richelieu ? C’est possible, mais rien ne le prouve. En tout cas, dans la liste des concessions concernant cette région, nous n’en voyons aucune qui ait été accordée à Jean Beaugrand.

Tout ce que nous savons, c’est qu’au 27-7-75, à la naissance de Marie-Anne, il habitait Dautray, cette vieille seigneurie, une des plus anciennes de la Nouvelle-France, concédée au Sieur Jean Bourdon, ingénieur royal, le premier décembre 1637. Y était-il déjà au moment de la naissance de Charles, 2 ans et demi auparavant, et même de Jean, en 1672 ? Nous en tenant aux documents, nous ne pouvons l’affirmer, mais c’est fort possible et même probable.

L’acte de baptême de Charles fait à Sorel le 16-2-1973 ne mentionne pas le lieu de naissance et n’autorise aucune hypothèse. Sorel était le seul endroit où on pût trouver un prêtre à cette époque et plusieurs années après. (Ceci ne fait pas de doute d’après le rapport des paroisses et missions de la Nouvelle-France, envoyé au Pape Innocent XI et daté de 1683. Il est dit expressément que le même prêtre dessert Sorel, Rivière-du-Loup et Rivière-Saint-François.

On y donne pour chaque localité le nombre des familles et des personnes, les dimensions de la chapelle ou église, quand il y en a, le matériel avec lequel elles sont construites : bois ou pierre. Berthier, Lanoraie, Dautray, Lavaltrie, Saint-Sulpice n’ont ni église ni chapelle. L’Ile-Dupas n’y est pas mentionnée, pas plus qu’au recensement de 1681 :C’est qu’il ne s’y trouve ni chapelle, ni même aucun habitant. )

C’est à Dautray également qu’il habite au 25-6-1676, quand il appose sa signature au bas du document cité plus haut.

Ces deux documents sont les seuls que nous connaissions sur son séjour dans cette seigneurie. Notre colon abandonna plus tard cette terre comme nous verrons.

Le recensement de 1681 nous le montre établi d’une façon définitive à Berthier. Il avait là, à un mille et demi en amont du lot réservé à l’église (C’est le lot même où se trouve l’église actuelle.

La première église fut construite sur ce lot, mais un peu plus près du fleuve)… et à quelques milles seulement de sa terre de Dautray un lot de 3 arpents de front sur le fleuve avec 40 de profondeur. (Nous avons pu situer ce lot de Jean Beaugrand et évaluer sa largeur en nous servant des documents suivants :

Carte de 6. Catalogue, de 1709;
acte de vente de Jean Plouffe à Jean Beaugrand, 2 arpents en largeur, 1714; aveu et dénombrement de Berthier par le Sieur de Lestage, 8-8-1723;
plan cadastral du comté de Berthier, 1938, Ministère des Terres et Forêts, Québec.

Nous savons que le lot primitif était de 3 arpents de front sur le fleuve par 40 de profondeur car selon l’Aveu et dénombrement de Berthier, de 1723, Jean II possède 5 arpents, dont 2 acquis de Jean Plouffe le 27-7-1714. La carte de Gédéon de Catalogne place Jean Beaugrand entre Parisien au sud-ouest et La Grandeur au nord-est.

L’Acte de 1714 met son lot entre ceux du défunt Le Parisien et de Jacques Joly. L’Aveu de 1723 lui donne les mêmes voisins qu’en 1714. Ainsi agrandi, ce lot correspond au no 48 du cadastre actuel, qui a 3 arpents, et aux lots voisins. La maison que l’on y voit a été bâtie par Basile V Beaugrand-Champagne vers 1825 et est aujourd’hui (1950) habitée par Pierre Sylvestre qui l’a acquise en 1913.

Sept générations de Beaugrand formant une seule lignée, se sont succédé sur cette terre de 1676-1681-1881. Après la mort d’Élie VI, 12-4-1881, sa veuve Modeste Bonin et ses enfants Marie-Louise, Joseph, Arthur et Edmond vendirent la propriété, qui passa depuis par plusieurs mains).

C’est là qu’il vivra désormais, c’est là qu’il élèvera sa petite famille, c’est là qu’il mourra. C’est là encore que vivront son fils Jean et toute une branche de sa descendance pendant plus de deux siècles. Berthier sera le centre d’où rayonneront ses nombreux descendants, dans les paroisses voisines d’abord, puis jusqu’aux confins de l’Amérique. Les générations qui se sont succédé sur le lot de Jean Beaugrand sont :

Jean, marié à Marguerite Samson vers 1668.
Jean, marié à Françoise Guignard, 1697.
Pierre-Simon, marié à M.-Josephte Boucher, Courrier 17-3-1746. [Antoine left the house to Pierre-Simon]
Jean-Baptiste, marié à M.-Josephte Boucher, Berthier, 18-1-1779.
Basile, marié à M.-Desanges Tellier, Berthier 18-4-1820.
Elie, marié à M.-Modeste Bonin, Lanoraie, 16-10-1855.
Marie-Louise (Rosalie), Joseph, Arthur, Edmont. Ceux-ci émigrèrent au Manitoba en 1880 et en 1881 et y ont de nombreux descendants.

Note de pjb
Remarque: La même Marie-Josephte Boucher maria et Pierre-Simon et Jean-Baptiste, de deux générations successives ? Il faut vérifier auprès du document original (il y probablement erreur de transcription).

Quand se transporta-t-il de Dautray à Berthier ? Évidemment entre les dates extrêmes que nous avons citées : 25-6-1976 et recensement de 1681. Mais nous ne pouvons serrer ces dates d’un peu plus près. Le recensement nous donne les détails suivants :

 » Seigneurie de Villemur (Berthier) : Jean-Bougran-dit-Champagne, 40 ans; Marguerite Samson, sa femme, 32 ans; Jean, 9; Charles 7; Marie 5; 2 vaches; 3 arpents en valeur « .

Ce court texte laisse supposer plusieurs choses : d’abord, que Jean y avait bâti maison et étable, ensuite qu’il avait mis en valeur, c’est-à-dire défriché, puis ensemencé ou récolté 3 arpents de terrain.

Avec les moyens dont il disposait, cette installation complète exigeait bien, croyons-nous, deux bonnes années de travail. De plus, la construction des bâtisses avait dû précéder la préparation du terrain; il ne pouvait faire la navette de Dautray à Berthier pendant plusieurs mois ou davantage pour l’essouchage et les autres travaux.

La propriété avait donc été acquise ou même habitée dès 1679 ou 1678. (L’abbé S.-A. Moreau, dans son histoire de Berthier, publiée en 1889, p. 107, donne Jean Beaugrand et Jean Piette comme les deux premiers pionniers de Berthier en 1672.

Julien Allard et Pierre Delbec-dit-Joly les auraient rejoints en 1676. Nous avons vu que Jean Beaugrand habitait Dautray en 1675 et 1676. Il pouvait avoir sa terre de Berthier, mais il n’y résidait certainement pas. Nous ne savons sur quels documents s’appuie l’abbé Moreau).

Sur les années qui suivirent le recensement de 1681, nous n’avons aucun document, mais il reste permis de croire que la vie ne s’écoulait pas dans le luxe et l’abondance. (Concession à Jean Beaugrand à l’Ile-Dupas, par Pierre Salvaye, seigneur, le 25-7-1686 : 6 arpents sur toute la largeur de l’île. Jean B. en laisse 2 à Prudent Bougret 26-8-1699.

1688 : Jean II, l’aîné de la famille, a grandi; c’est bientôt un homme : il a eu ses seize ans faits il y a déjà plusieurs mois. C’est le temps d’aider sa famille. C’est aussi le temps des aventures. Peut-être pourrait-il concilier les deux ? Depuis trois ans, les autorités de la colonie se sont relâchées de leur sévérité primitive et accordent des permis pour la traite des fourrures.

Quelques seigneurs et autres particuliers fortunés équipent des caravanes dans ce but et engagent des hommes. Quelques-uns, parmi ses connaissances, sont partis et sont revenus, racontant les péripéties de leur palpitant voyage.

Pourquoi ne tenterait-il pas sa chance lui aussi Ses parents lui accordent, quoiqu’à regret, la permission et, le ler août 1688, devant Antoine Adhémar, notaire à Montréal, il s’engage à Marguerite Morisseau, veuve de François Pelletier-Antaya, seigneuresse de Dorvilliers, une voisine bien connue.

« Pour faire le voyage des Outaouais, à commencer d’aujourd’hui et finir l’automne de l’année prochaine mil six cents quatre-vingt neuf, pendant lequel temps le dit Bougueran promet d’obéir à Cottu qui va aux païs des Outaouais pour ladite Mauriceau et faire de son mieux fidèlement, à la charge qu’il sera nourri pendant le sus dit temps; et en outre ladite Mauriceau promet de lui payer pour ses gages la somme de cent cinquante livres en castor au prix du bureau de Québec à son retour en cette ville (Montréal).

(En) plus ladite Mauriceau s’oblige de lui donner avant son départ un fusil, une couverte, trois chemises, un capot, un tapabor (capuchon en cuir) et six livres de tabac, que ledit Bougueran pourra traiter à son profit; et le castor et pelleteries qu’il en fera, les embarquera dans le canot où il sera en descendant; …

Fait et passé au dit Villemarie, étude du notaire, l’an mil six cents quatre-vingt huit, le premier jour d’août après-midi… Les parties ont déclaré ne savoir signer… (Témoins) : Sillevain Guérin, Cabazie, Adhémar, notaire.

Quinze mois pour une première absence, et dans quelles conditions ! Comme le temps du paraître long au cœur de la mère ! Quelles inquiétudes pour les parents ! Leur fils reviendrait-il jamais d’un voyage aussi périlleux ! Cependant les mois passent.

L’hiver arrive, le long hiver où, au coin du feu, on cause tristement du fils absent. Puis le printemps reparaît, puis l’été. Les épis commencent à se gonfler. Premier août : un an aujourd’hui que le fils est parti ! Sans doute les parents se sont-ils confié de nouveau leurs inquiétudes en cet anniversaire.

Quelques jours passent encore. Mais voici que d’horribles nouvelles arrivent. Ce n’est plus seulement sur leur fils, c’est sur eux que l’orage gronde, c’est leur petite famille qui est menacée. Le 5 août 1689, les Iroquois ont fondu à l’improviste sur le village de Lachine et en ont massacré presque tous les habitants, hommes, femmes et enfants; 200 disent quelques-uns. Ceux qui ont pu fuir errent affolés à travers la campagne. Les Iroquois s’avancent des deux côtés du fleuve, laissant partout des ruines.

Nous ne savons comment vécut Jean Beaugrand avec sa famille pendant ces mois au plutôt ces années de terreur. Car pendant cinq ou six ans encore les scènes de carnage se renouvelèrent, et il ne se passa guère de mois ou de semaine sans que quelqu’un fût massacré, tantôt dans un endroit et tantôt dans un autre.

(Comme on sait, c’est à cette période que date l’exploit de Madeleine de Verchères, 22 octobre 1692). Ce qui est certain, c’est que plusieurs habitants s’enfuirent de cette contrée pour ne plus y revenir et que plusieurs seigneuries eurent de la peine à s’en remettre.

Entre autres témoignages, il nous reste de cette période et de cette région le récit de Gédéon de Catalogne, un témoin oculaire, qui écrit en 1709, donc 20 ans après :  » A Berthier, il y a peu d’habitants, à Lanoraie et à Antaya (Dorvilliers), encore moins; à Dautré, depuis le massacre général, il n’y en a plus.

À Lavaltrie, la plus grande partie des terres sont redevenues en taillis.

Quatre ans se passent sans qu’aucun fait nouveau n’arrive, à notre connaissance. Une contestation entre les seigneurs de l’île-Dupas et un prétendu ayant-droit nous vaut de nouvelles informations. Il s’agit d’une sommation en règle de l’huissier royal Daniel Normandin.

Voici le texte un peu abrégé :  » L’an 1693, le 3 mars avant midi, je, huissier royal demeurant à Champlain, ai, à Jean Beaugrand-dit-Champagne, demeurant à Berthier faisant tant pour lui que pour son fils, et son domicile, en parlant à sa fille qui a promis de lui faire assavoir, fait sommation de par le roy, de reconnaître les Sieurs Dandonneau et Brisset seigneurs de l’Ile-Dupas, comme ayant ledit Beaugrand et son fils une terre dans ladite Seigneurie et fait défense au dit Baugrand de reconnaître le nommé Dufort (Prudent Bougret-dit-Dufort) ni autre personne pour seigneurs de la dite seigneurie et de me faire apparoir (donner la preuve) du titre qu’ils ont et de donner aux Sieurs Brisset et Du Sablé (Dandonneau) un titre nouvel de leur terre qu’ils tiennent par concession, déclarant au dit Beaugrand, sauf par lui de satisfaire incessamment à ma présente sommation, que les dits seigneurs Brisset et Du Sablé poursuivront contre lui par les moyens du droit.

Fait et délaissé copie de ma présente sommation au domicile du dit Baugrand, où je me suis exprès transporté, distance de dix-huit lieux de ma demeure, etc. (signé) D. Normandin, huissier royal.

Ce précieux document nous montre : Que Jean habitait toujours avec sa famille sa terre de Berthier, qu’il en avait acquis une autre dans l’Ile-Dupas, que sa fille (Marie-Anne sans doute), vivait à cette époque. Elle devait avoir 18 ans. Nous ne la retrouvons plus.

La comparaison de ce document avec plusieurs autres nous porte à nous demander comment notre colon tirait de la terre la subsistance de sa famille. Le recensement de 1681 nous le montre ayant 3 arpents en valeur. Nous voyons ici qu’il a agrandi son domaine en prenant concession à l’Ile-Dupas.

D’autre part, dans l’Aveu et Dénombrement de Berthier fait par le Sieur de Lestage le 9 août 1723, nous avons les renseignements suivants : Entre la veuve Jacques Joly et les héritiers du nommé Grand-Parisien est  » Jean Bougran (il s’agit du fils) qui possède 5 arpents de front sur 40 de profondeur, chargés de 18 livres, cinq chapons de rente et un sol marqué de cens pour la terre et pour le droit de commune, lequel a maison, grange, étable et 5 arpents de terre labourables « .

Trois arpents en culture en 1681, et seulement cinq en 1723 : vraiment l’exploitation ne semble pas avoir progressé beaucoup ! Et cependant, dans l’intervalle, en 1693 ou avant, notre colon a agrandi son terrain dans l’île voisine. L’explication est facile : la culture du grain sur les côtés de Berthier, couvertes de forêts aux troncs serrés, demandait un travail énorme de défrichement.

D’autre part, dès 1673, Frontenac écrivait que les Canadiens ne savaient que faire du blé qu’ils ne pouvaient consommer sur place. On en exporta plus tard aux Antilles, mais en petite quantité. Par ailleurs, les îles du Saint-Laurent offraient de belles terres à foin où l’élevage était facile et de bon rendement. Il répondait de plus à presque tous les besoins du ménage : la famille avait là à sa portée les plus essentielles des denrées alimentaires comme, viandes diverses, lait, beurre, fromage, œufs, le cuir nécessaire à la confection des mocassins et quelques autres articles de l’habillement, la  » babiche  » pour les raquettes.

Le suif fournissait la chandelle pour l’éclairage, etc. En conséquence, on ne cultivait de blé que le nécessaire aux besoins de la famille.

De quand date l’acquisition de cette terre à l’Ile-Dupas ? Il est impossible de le dire d’une façon certaine. Cependant, nous avons de précieux indices.

Pierre Dupras, Sieur de Braché, officier au régiment de Carignan, avait habité cette île en 1669, y ayant été attaqué par un petit groupe d’Iroquois le 19 juillet de cette année, puis en avait eu la concession officielle de jean Talon le 3-11-1672. Il meurt le 20-12-1677 et est enseveli à Sorel le 22. Sa veuve, Charlotte Denis, s’était retirée aux Trois-Rivières et avait laissé la seigneurie en liquidation.

Elle fut acquise par le Sieur Charles Aubert de la Chesnaie, qui la revendit aux Sieurs Jacques Brisset et Louis Dandonneau, habitants de Champlain, le 10-11-1690. Il semble que c’est après cette date seulement que des concessions ont été données et en très petit nombre car on en a retrouvé aucune avant 1700. Tous les contrats de concession que nous avons sont datés de 1700 à 1713. (La concession à Jean Beaugrand et faite sur simple billet. C’est peut-être la seule. D’après le billet, il n’a aucun voisin). Jean Beaugrand dut être un des premiers, sinon le premier à obtenir la sienne, car une carte cadastrale de Gédéon de Catalogne, datée de 1709, donne à son fils Jean II le lot qui suit immédiatement celui réservé à l’église, ce dernier comprenant 25 arpents à l’extrémité sud-est de l’île.

La carte semble lui donner 3 ou 4 arpents de largeur. De plus, cette affaire de contestations et de sommation semble bien constituer un cas type, au moment des premières concessions et celle à Jean Beaugrand devrait se situer à cette époque, c’est-à-dire un peu avant le 3-3-1693.

Le texte de la sommation semble même indiquer qu’il avait eu sa concession de Prudent Bougret-dit-Dufort, ce qui déclencha l’action des seigneurs et de l’huissier. Les mots  » me faire apparoir du titre qu’ils ont » et  » donner aux Sieurs Brisset et Du Sablé un titre nouvel de leur terre  » ne paraissent pas avoir d’autres sens.

La concession aurait donc eu lieu entre 18-6-1692 et le 3-3-1693. (Cette affaire de sommation semble un peu mystérieuse. Nous risquerons l’explication suivante :

Dans  » Inventaire des concessions…, III, 83,  » nous trouvons l’acte suivant :  » 18 juin 1692 : Foi et Hommage de Prudent Bougret-dit-Dufort, demeurant à Ville-Marie, Île de Montréal, pour Jacques Bougret, son fils, pour la moitié d’un fief et seigneurie appelé l’Île Dupas, l’Île-aux-vaches avec les îlets adjacents et d’autres fiefs appelés de Chicot, – L’autre moitié dudit fief appartenant à Jean Vinet, de Boucherville…  » Prudent Bougret avait donc acquis des droits sur la seigneurie. Celle-ci avait pu être mise en vente pour cause d’insolvabilité ou pour quelqu’autre motif et achetée par lui. De là l’incertitude puis la sommation et l’élimination du prétendant au titre de seigneur.

En 1694, nouveau départ du fils aîné. Le 14 septembre 1694, Jean Bougron-dit-Champagne s’engage à Jean Bisset, Sieur de Vincennes, pour faire encore une fois le voyage des Outaouais. On est sans doute moins inquiet cette fois car il a acquis de l’âge et de l’expérience.

Il aura de meilleurs gages aussi, car on lui donne la conduite d’un canot. Comme la première fois, il ne reviendra que l’année prochaine, dans le temps que les voyageurs descendent des dits païs pour apporter le castor en cette ville (Montréal). Son salaire sera de  » 350 livres qui seront payées en castor, aussitôt l’arrivée du castor en cette ville, et de plus le dit Champagne pourra porter avec lui pour 50 francs de marchandises seulement pour traiter à son profit particulier… « , etc.

L’acte est signé de Basset, notaire royal, et de deux témoins, Jean Beaugrand ayant déclaré ne savoir signer.

Les premiers mois de 1697 amènent un événement d’importance dans la maison. Jean II, âgé de 25 ans, unit sa destinée à celle d’une jeune fille de 17 ans, Françoise Guignard, née à Repentigny le 15 mai 1680, de Pierre Guigard-dit-d’Olonne et de Françoise Tierce, veuve d’Aufray Coulon. Les deux ménages habiteront ensemble dans la maison de Berthier.

C’est là que naît, au commencement de 1698, une petite fille qui sera baptisée à Sorel, le 7 janvier de cette année et qui portera le nom de Marie-Anne, en souvenir de sa tante, la fille Jean I, que nous avons rencontrée le 3-3-1693 et qui a dû quitter ce monde entre temps.

Jean et sa femme sont tout heureux sans doute de l’arrivée de cette fille mais cela les constitue grand-papa et grand-maman et annonce qu’ils ne sont plus aussi jeunes.

Plus que les années cependant, l’usure due à un travail excessif et aux privations va avoir bientôt raison de l’énergie de ce colon. Il ne verra pas la naissance de son premier petit fils Antoine, qui sera baptisé à Sorel le 6-6-1700. Il s’achemine rapidement vers la tombe. Son fils, habitué lui aussi à la vie dure, peut prendre la succession.

Et le père décède à l’âge de 58 ans. Il est enseveli à Sorel le 5-12-1699. la mère a hérité de tous les biens, mais c’est le fils qui fait valoir les propriétés. Pourquoi n’administrerait-il pas lui-même à sa façon le bien paternel ? Il a exposé plusieurs fois son point de vue qui a bien du bon sens. Malgré les divergences d’idées, la mère finit par se laisser persuader. Justement, le Grand-Vicaire de Québec, M. de Belmont, fait sa visite dans ces parages au nom de l’évêque. On profitera de son passage pour tout arranger et faire un écrit en bonne et due forme, en prenant toutes les précautions que conseille la sagesse humaine.

Et c’est ainsi que le 23-10-1701,  » par devant Messire François de Belmont, Grand-Vicaire de Mgr l’Issustrissime et Révérendissime Évêque de Québec, faisant sa visite dans le lieu et coste de Berthier, furent présents en leur personne Marguerite Sanson, veuve de feu Jean Bougrand, d’une part, et de Jean Bougrand, fils du dit Jean Bougrand et de la dite Marguerite, assisté de Françoise Gignar, sa femme d’autre part;  » lesquels, pour le bien de la paix et le salut de leurs âmes, ont remis entre ses mains leurs différents et résolu pour les terminer de faire un acte de transaction, lui donnant plein pouvoir de les faire coucher en bonne et dû forme et recevoir juridiquement par un notaire royal « .

 » sont convenus des clauses et conditions suivantes :  »

 » Donnera le dit Jean Beaugrand, fils, par an, à Marguerite Sanson, la mère, la quantité de 20 minots (de) froment bon et valable, payables en deux termes : le premier, de 10 minots, à la Noël prochaine, le second à la Chandeleure de l’année 1702, aussi de 10 minots, et ainsi jusqu’à la fin de la vie de la dite Marguerite Sanson, la mère.  » donnera dès à présent le dit Jean Beaugrand à sa mère, une vache à choisir sur les trois qu’il possède « ,
 » donnera dès à présent à sa dite mère un cochon gras prêt à tuer et deux nourritureaux de six mois « .

 » s’oblige le dit Jean Bougrand, de construire à sa dite mère l’an prochain 1702 un bâtiment pour elle et les bêtes et volailles comme il a accoutumé de se faire en ces côtés.

 » s’oblige le dit Jean Bougrand de faire traîner à sa dite mère 10 cordes de bois et faire porter son blé au moulin et ce, dans le temps seulement qu’elle et lui habiteront dans le même lieu, côte ou paroisse.

 » (s) obligent le dit Jean Bougrand et Françoise Guignard, sa femme, au cas qu’ils vinssent à décéder avant la dite mère, tous leurs hoirs (héritiers) et ayant-cause à accomplir les dites conditions, sera loisible à la dite Marguerite Sanson de rentrer dans tous ses droits comme si le contrat n’avait été fait.

 » emportera la dite Marguerite Sanson ses meubles, hardes et ustensiles, savoir : son lit garni de rideaux, ses linceuls (draps), deux couvertes, son coffre avec tout le linge, habits et hardes qu’elle possède pour son usage, plus deux marmites, deux chaudrons, deux assiettes, un plat, un bassin, six cuillers « .

 » Moyennant quoi cède la dite Marguerite Sanson au dit Jean Bougrand, son fils, tous et un chacun (de) ses droits sur l’horaire (héritage) de feu Jean Bougrand, son mari… Donne la dite Marguerite toute liberté à Jean Bougrand, son fils, de vendre, aliéner, affermer et échanger les habitations (terres) qu’il tient de feu son père, sises à Berthier et à l’Ile-Dupas, moyennant qu’il satisfasse aux clauses et conditions du dit contrat, pour la satisfaction desquelles clauses et conditions le dit Bougrand et sa femme hypothèquent (engagent) tous leurs biens présents et à venir et s’engagent à payer les dettes de leur père, s’il y en a « .

 » Fait à Berthier, ce 23 octobre 1701, en présence des témoins ci-dessous. « .

 » François de Belmont, Grand-Vicaire; Priat, prêtre; Seguenot; Marguerite Sanson (marque), Jean Bougrand (marque); Françoise Guignat (marque) « .

Comme on le voit, rien n’est oublié; aussi l’entente a dû être parfaite, car ce n’est que sept ans plus tard que Marguerite Sanson crut devoir déposer le document chez le notaire. Le 17 août 1708, nous la voyons se rendre chez Adhémar, à Montréal, faire entrer la précédente convention au nombre de ses minutes et en faire délivrer deux copies aux intéressés.

Le présent document nous permet de conclure :

Que Jean Beaugrand, au moment de sa mort, n’avait plus sa terre de Dautray. Faut-il voir une relation entre cet abandon et l’acquisition de sa concession à l’île Dupas ? La menace iroquoise y a-t-elle été pour quelque chose ? Tout cela est parfaitement possible : Dautray, qui n’avait que quelques habitants, n’était pas défendable et de fait disparut pour un temps. L’occasion était bonne de se tourner ailleurs et de développer une culture plus profitable.
Que Jean II est le seul survivant des enfants de Jean I, étant le seul héritier. Nous avons déjà fait remarquer que les autres avaient disparu après une ou deux mentions dans les documents. L’acte ci-dessus nous apporte un argument positif, bien que leur mort n’y soit pas mentionnée explicitement.

Que la famille de notre colon n’était pas riche, mais qu’elle ne manquait pas non plus du nécessaire. Jean II laisse à sa mère une vache à lait, soit un tiers de celles qu’il possède, deux veaux, trois porcs.

À garder partout la même proportion, cela nous donne déjà 9 têtes de bétail et 9 porcs, sans compter les volailles. Mais il est bien probable que la mère n’ait gardé que le nécessaire et que le troupeau était plus important. Elle ne pouvait oublier de considérer la jeune famille où il y avait déjà une petite Marie-Anne de près de 4 ans et un petit Antoine d’un an et quelques mois, avec d’autres en perspective.

 

Elle sait très bien d’ailleurs qu’elle ne manquera de rien à côté de son fils. Ce qu’elle veut, c’est simplement avoir son indépendance, comme beaucoup d’autres font en pareil cas : deux ménages ensemble, c’est souvent mauvais ménage…

Nous pouvons supposer également que Jean avait d’autres sources de revenus. Il y avait le commerce des fourrures, dans lequel son fils avait acquis de l’expérience et auquel s’adonnaient bon nombre de colons. Puis, si sa femme se contente de se  » faire traîner dix cordes de bois  » pour son hiver, se chargeant de les scier et de les débiter, c’est qu’elle est habituée au travail du dehors et qu’elle ne le craint pas.

Elle pouvait très bien, du vivant de son mari, s’occuper des animaux et de la basse-cour, pendant que celui-ci travaillait chez le seigneur ou chez quelque voisin.

L’exploitation de Jean Beaugrand, toute modeste qu’elle ait été, devait donc procurer, sinon l’aisance, du moins le nécessaire aux besoins de la petite famille.

Marguerite Samson vivra plus de 20 ans après l’arrangement précité et près de 22 ans après la mort de son mari. Elle verra l’arrivée en ce monde cinq autres petits enfants, outre les deux déjà mentionnés.

Ce sont : Pierre, baptisé à l’Ile-Dupas le 7-8-1704 et qui dut mourir bien jeune; Pierre-Simon, né en 1708; Marie-Françoise, née 1708-1710; Geneviève, baptisée à Sorel le 23-8-1711; Jean, baptisé au même lieu le 3-9-1713. Elle verra Françoise Guignard quitter ce monde à l’âge de 35 ans seulement : celle-ci est ensevelie à Sorel le 12-8-1715.

Elle verra son fils Jean II contracter un deuxième mariage le 1er février 1717, à l’Ile-Dupas, avec Catherine Houré-dit-Grammont. Âgé de 42 ans à son mariage, celle-ci n’eut, semble-t-il, qu’une fille, Marie-Thérèse, baptisée à Sorel le 6-5-1719, décédée à l’âge d’un mois et demi et ensevelie à Sorel le 26 du mois suivant. La grand-maman dut être, plus que la belle-mère, la nouvelle maman des enfants de Françoise Guignard.

Marguerite Samson décéda à 72 ans et fut inhumée à l’île Dupas le 24-7-1721.

Cet acte clôt l’histoire admirable d’un de ces couples généreux et obscurs tout à la fois qui ont formé la nation canadienne.

FAMILLE de JEAN BEAUGRAND-DIT-CHAMPAGNE

Jean Bougrand ou Beaugrand-dit-Champagne, soldat de Carignan, puis cultivateur, arrivé au pays entre juin et septembre 1665, s’établit à Dautray où il est le 27-7-1675 et le 25-6-1676, puis à Berthier où on le trouve au recensement de 1681 et où il demeura le reste de sa vie.

Il signe  » Gean Bougeren  » (greffe Adhémar, 25-6-1676) et  » Gean Bougueren  » le 26-8-1699 (convention privée avec Prudent Bougret).

Né en 1641 (il a 40 ans au recensement de 1681), il est enseveli à Sorel le 5-12-1699 à l’âge de 58 ans.

Il avait épousé, vers 1668, Marguerite Samson (de parents et d’origine inconnus), dont il eut au moins trois enfants.

Celle-ci, née en 1649 (elle a 32 ans au recensement de 1681), est ensevelie à l’Ile Dupas, le 24-7-1721, à l’âge de 72 ans.

LEURS ENFANTS CONNUS

Jean ou Jean-Baptiste, cultivateur, né en 1672 (9 ans au recensement de 1681) épouse en premières noces, en 1697, Françoise Guignard (fille de Pierre Guignard-dit-d’Olonne et de Françoise Tierce), et en deuxièmes noces, (Ile-Dupas, 1er février 1717), Catherine Houré-dit-Grammont, (prob. fille de René et de Denise Damané). Il est enseveli à Berthier le 23-9-1730. De Jean (II) et de ses deux fils Antoine et Pierre-Simon descendent tous les Beaugrand-dit-Champagne.

Charles, baptisé à Sorel le 16-2-1673. Mentionné seulement au recensement de 1681. Il est décédé avant le 23-10-1701 (arrangement entre Marguerite Samson et son fils Jean II, seul héritier).

Marie ou Marie-Anne, née à Dautray, le 27-7-1675, baptisée à Sorel le 29. Mentionnée au recensement de 1681. Le 3-3-1693, à Berthier, elle reçoit pour son père la sommation de Daniel Normandin, huissier royal. Elle est décédée avant le 23-10-1701.

–Rév. Père Antonio Champagne, (Beaugrand no 482)
C.R.I.C., Hospice Taché, Saint-Boniface, Man.

Publié par Jacques Beaugrand à l’adresse

 

By René Arbour

Management certificate of Credit Card (New York - 1983-84) Bac Administration , Security for the people (Minesota 1984)