Pierre Mesnard dit Xaintonge par: Gérald Ménard

 

Pierre  Mesnard dit Xaintonge par: Gérald Ménard

Famille-Arbour présente l’histoire de Pierre mesnard dit Xaintonge écrite par Gérald Ménard. Voir le site suivant comme référence : http://www.migrations.fr/pagegenealogie.htm


À mes enfants, À mes petits enfants, À tous ceux qui suivront, Afin qu’ils se souviennent. Par Gérald Ménard

 

Avant-propos

Je ne considère pas ce travail comme étant une étude scientifique ou académique, mais plutôt comme une étude de recherche constante en histoire et généalogie ; afin de faire ressortir aujourd’hui, le passé de nos aïeux.

“ Il est excellent de sortir les populations de cette ombre où elles ont été trop longtemps ensevelies, de se pencher sur leur sort, d’étudier les phénomènes collectifs qui ont, dans les profondeurs, influencé les évolutions de l’humanité. ”(Philippe Erlanger : dans  Louis XIV)

Si l’on attend d’avoir des gens illustres dans la famille avant d’écrire sa généalogie ou son histoire, laissez-moi vous lire le passage écrit par l’abbé G.A.Desjourdy, tiré de son dictionnaire généalogique des familles du Richelieu, et je cite :

“Une vie cachée de colon, peut quelquefois contenir dans son ombre, autant de bonheur, d’émotions et même, de mérites de toutes sortes, que les carrières les plus applaudies.”

C’est à cette pensée qu’a réagi mon orgueil, d’écrire cette histoire, afin que ma descendance sache ce que les fonds de tiroirs m’ont révélés sur mes ancêtres.

C’est cette histoire réelle qui, petit à petit, nous fait découvrir certaine chose, et nous oblige à vouloir déceler autre chose et encore, et encore…
           

Plus on progresse dans nos recherches, plus on entre en contact avec des documents que nos ancêtres ont eux même palpés de leurs mains souvent rugueuses, dues aux travaux ardus de la terre.  Si vous êtes chanceux, ces parchemins seront signés, souvent d’une main tremblante, mais d’une personne fière de pouvoir écrire son nom.

En lisant ce travail, si certaines personnes ressentent le besoin de restructurer ces lignes, tous en y insérant leurs ajouts personnels ou de continuer cette histoire de famille de générations en générations, j’espère qu’elles écouteront leur sentiment et poursuivront où amélioreront ce qui a déjà été écrit.  Ainsi, elles feront connaître à ceux qui ne le peuvent pas, pour une raison ou une autre, écrire ce qu’ils ont appris sur l’histoire de leur famille.
               

Cette histoire attachée à toutes les autres, fera connaître ce qu’était la grande famille des Ménard de la lignée dite Saint-Onge.

Introduction

A la naissance de mon premier enfant, un des cadeaux reçus fut un album souvenir du bébé.  Au centre de cet album, un arbre était dressé afin d’inscrire le nom de l’enfant naissant, de ses père et mère, grand-père, etc..

De là me vint l’idée de me dresser un arbre généalogique, et  peut-être par la suite, une histoire de famille.

Au tout début, ce n’est pas sans peine que j’y suis parvenu, puisque n’ayant jamais fait de recherche généalogique auparavant, j’allais, de bibliothèque en bibliothèque, chercher des bouquins sur tout ce qui touchait le sujet.  Cela m’incita à devenir membre de la Société généalogique Canadienne Française, et par la suite, suivre des cours en généalogie et en paléographie.

 De fil en aiguille, je commençai à fouiller dans les registres paroissiaux et les contrats notariés de différents palais de justice de la Province. 

Quand j’ai débuté en 1967, je croyais que de trouver le nom de mes ancêtres serait le point final à mes recherches, mais voilà que depuis ce temps, je n’ai pas encore vu le moment de la fin.

Il est vrai que j’ai trouvé leurs noms, leurs lieux de naissance, de mariage et de décès, mais ces recherches m’ont apporté certains faits qui m’ont obligé à en savoir d’avantage sur l’histoire vécue de nos ancêtres. Ceci, par ricochet, m’a fait connaître petit à petit l’histoire réelle du Canada, souvent trop partialement écrite pour le bien de la cause dans les livres d’histoire du Canada de mon  enfance.

De ces moments vécus par mes ancêtres, j’ai essayé aussi d’en faire une histoire en ligne directe : c’est-à-dire de père en fils qui touche  ma lignée personnelle, et chronologiquement selon les événements.

              J’espère que cette histoire saura vous tenir en haleine du début à la fin.

 

 

Régime Seigneurial

                  En Nouvelle-France, une seigneurie était un domaine d’une grande étendue de terre allouée à certains gentilshommes, en faveur de leurs bons et loyaux services rendus en l’honneur du Roi de France.

                 La majorité de ces gentilshommes des 17 et 18ième siècles, étaient les officiers militaires du régiment de Carignant qui ont combattu en Nouvelle-France dans l’armée du Roi contre les Iroquois.  Ces gentilshommes sont devenus par le fait même des “ seigneurs ”.

                 Par ce régime, nous dit Firmin Létourneau dans son histoire de l’agriculture, que le seigneur  » est un fiduciaire de la Couronne.  Il ne reçoit des concessions de terre que pour en disposer auprès des colons.  Sauf une portion raisonnable qu’il peut garder pour son propre usage, le reste est concédé à titre de redevance ».

                 Ces seigneurs par contre, en acceptant ces seigneuries, avaient pour but de faire valoriser ces étendues de terres par l’agriculture, en distribuant sous peine d’être obligés de remettre leur fief ou seigneurie, au domaine royal.  Ils avaient aussi l’obligation d’établir quelques services publics pour ces censitaires, tel une justice seigneuriale ou la construction d’un moulin à farine.                                                              

Les censitaires sont les colons qui prennent possession d’une terre appelée « concession ».  Ces colons étaient pour la plupart, des soldats qui sont restés au pays après avoir reçu leur congé (démobilisation), afin de devenir agriculteurs en échange de leur métier de soldat.

Le censitaire ou colon, appelé souvent habitant, avait aussi quelques obligations envers son seigneur.  Chaque année il était redevable des « Cens et Rentes », c’est-à-dire qu’il devait payer un certain montant d’argent et de marchandises pour chaque arpent de terre en sa possession à savoir ; un sol tournois (un ou deux sous) par arpent en superficie, et un « chapon vif » par arpent de front.  Il devait aussi selon la coutume, donner quelques jours de corvée sur la terre du seigneur.  Il s’engage par la suite à la culture de son lot et d’y tenir « feu et lieu » ; c’est-à-dire d’y établir son domicile sous peine, lui aussi, comme pour le seigneur, de confiscation ou du retour de sa concession au domaine seigneurial.  Par contre, au regard de tout cela, sa concession lui était cédée gratuitement, et il en devenait le propriétaire au même titre que le seigneur pouvait l’être de son domaine.
 

 

Emplacement

La seigneurie de Saint-Ours s’étend entre la rive sud du Saint-Laurent et la rivière Yamaska.  Le premier emplacement de la seigneurie, connu sous le vocable de Grand Saint-Ours, était situé sur les bords du fleuve Saint-Laurent, entre les seigneuries de Contrecoeur à l’ouest et celle de Sorel à l’est.

Le sol à cet endroit n’étant pas très bon pour l’agriculture, certains habitants s’en allèrent s’établir sur le côté est de la rivière Richelieu, où la terre était beaucoup plus arable.  De là naquit un nouvel emplacement appelé Petit Saint-Ours.

Le Grand Saint-Ours disparut au fil des années, mais le Petit Saint-Ours est toujours existant de nos jours sous le nom de Ville de Saint-Ours.

Les seigneuries de Saint-Ours et de Contrecoeur étaient voisines l’une de l’autre.  Toutes les deux étaient situées dans la vallée du Richelieu.   Elle était reconnue à l’époque comme dangereuse, étant située dans le territoire des indiens de la tribu Iroquoise qui, pour éviter de passer devant le fort de Sorel, empruntaient ces deux seigneuries afin de se rendre au grand fleuve.

Les registres de la paroisse Sainte-Trinité de la seigneurie de Contrecoeur, furent établis longtemps avant ceux de la paroisse de l’Immaculée Conception de la seigneurie de Saint-Ours.

Pour cette raison, mon premier ancêtre ainsi que sa famille, étaient dépendants de la paroisse de Contrecoeur pour les principaux événements de leur vie ; baptême, mariage et sépulture.  C’est aussi pour la même raison qu’il y a une certaine confusion à savoir où était situé sa résidence d’après les registres, Contrecoeur ou Saint-Ours ?  De sa propre main il décrivait, en temps que notaire, qu’il était résident du “bourg et seigneuries de Saint-Ours et de Contrecoeur ”.

Dans tous les cas, Saint-Ours fut le lieu d’emplacement de mes ancêtres en Nouvelle-France.  Par contre, la descendance de ces derniers, après plus de trois siècles, s’est dispersée dans plusieurs sites de l’Amérique du Nord.

Ma propre branche familiale s’est déplacée, du bord du fleuve Saint-Laurent au bord de la rivière Richelieu, de là, vers Beloeil, vers l’Acadie près de Saint-Jean, ensuite Henryville et Notre-Dame de Stanbridge, Granby et Varennes.

Une autre branche vit toujours à Saint-Ours, une autre à Kankakee County Illinois U.S.A., ainsi que plusieurs autres branches trop longues ici à énumérer, réparties en différant lieux du Canada et des Etats-Unis d’Amérique.

 


Nom
 

               Après quelques recherches, on s’aperçoit qu’il existe beaucoup de Ménard.  Ce nom est souvent écrit de différentes façons, tel que Mesnard, Mainard, Maynard, Ménart, et est affilié aux lignées desdits Bellerose, Laplante, Lafontaine Saintonge, etc..

              Mon premier ancêtre en Nouvelle-France avait comme surnom, Xaintonge (devenu par la suite, Saintonge ou Saint-Onge) d’où son nom de Pierre Mesnard dit Xaintonge.  Toutefois, cette identification n’étant employée qu’à quelques occasions seulement, surtout pour la première génération, le nom de Mesnard ou Ménard a toujours primé sur le surnom.  Ce surnom par la suite, en est devenu la lignée.

On s’aperçoit souvent que dans les familles du début de la colonisation, il arrivait que l’on donnât à des enfants d’une même famille, le même prénom d’un enfant décédé antérieurement.  Était-ce pour honorer le disparu ou pour perpétuer ce prénom dans la famille ?  Je ne pourrais le dire.

Il y a aussi le premier né qui, à quelques exceptions près, était prénommé soit du nom du père pour un fils soit de celui de la mère pour une fille.  Ce qui, par la suite, amènera certains problèmes aux généalogistes, à savoir, qui est qui.  En revanche, un gros avantage était que la femme gardait toujours son nom de fille.  Donc Pierre Mesnard et Marguerite Deshaies étaient mari et femme, et nom Monsieur et Madame Pierre Mesnard.

Cet avantage m’a permis de retrouver avec beaucoup plus de facilité l’affiliation des Ménard des 17e et 18e siècles.  Sans le nom de la femme, les généalogistes n’auraient jamais pu identifier ou avec beaucoup de difficulté, à quelle famille appartenait tel ou tel personnage.
 

 

Remerciement

                Je voudrais ici, remercier de près ou de loin, tous ceux qui m’ont aidé à rédiger ce travail, et principalement à la mémoire de mon père qui, dans les débuts, s’est déplacé pour les voyages entrepris pour fin de recherches dans différentes villes du Québec et des U.S.A..

                À ma mère, oncles, tantes, cousins et cousines, d’avoir répondu avec le plus de sincérité possible aux questions posées.

               À tous ceux et celles qui ont eu la gentillesse de faire la correction orthographique sommaire de ce travail, ainsi qu’à tous ceux et celles que je ne connais pas et qui ont bien voulu me faire parvenir des notes par l’entremise des autres parents.

               Enfin, un remerciement tout spécial à mon épouse Jacqueline et mes enfants, d’avoir eu l’obligeance de respecter mes nombreuses heures d’écritures, sans trop « rouspéter » du manque de conversation ou de ma présence parmi eux.
 

 

Notes: Tous les passages inscrit en retrait ou entre guillemet ont été écrient d’après l’orthographe originale

 

 

 

Abréviations

 A.N.Q.          Archives Nationales du Québec
A.N.Q.M.      Archives Nationales du Québec, dépôt de Montréal
A.P.C.           Archives Publiques du Canada
B.R.H.           Bulletin des Recherches Historique
D.B.C.           Dictionnaire Biographique du Canada
R.A.P.Q.       Rapport de l’Archiviste de la Province de Québec
S.G.C.F.               Société Généalogique Canadienne Française
 

 

Pierre Mesnard  et  Marguerite Deshaies
1665 – 1693

 

                                                                     La traversée…

Son Établissement

Après la découverte de l’Amérique en 1492 par Christophe Colomb, ce fut celle du Canada en 1534 par Jacques Cartier, navigateur de Saint-Malo.  Ce dernier en remontant le fleuve Saint-Laurent, visita les principales bourgades de Stadaconé et d’Hochelaga, qui deviendront Québec et Montréal.  C’est de ces bourgades que le nom Canada fut donné par les indigènes à cette partie du pays, puisque ce nom signifiait dans leur langage, “amas de cabane ou village”. 1

En 1608, Champlain fonde Québec en débarquant sur la petite pointe de terre qu’occupe aujourd’hui la basse ville.  Le mot Québec, comme pour le mot Canada, a une signification déduite du dialecte indigène, Quabec en langue Algonquine et Kibec dans l’idiome Micmac, qui signifie, « détroit, fermé, obstrué, » et qui désigne le rétrécissement du Saint-Laurent au Cap-Rouge, où le fleuve n’a pas plus de cinq cents verges (540 mètres plus ou moins) de largeur. 2

Quelques années passèrent et le projet de l’établissement de l’île de Montréal pris forme.  Monsieur Jérôme de la Dauversière de la Compagnie des Cent Associés, voulait par ce projet, arriver à faire le groupement de plusieurs familles et de quelques soldats afin d’en augmenter la population.  Pour ce faire, il lui fallait trouver un chef digne de commander.

Monsieur de la Dauversière, en pourparlers avec le Père Charles Lallemand (un des cinq martyres Canadiens), sollicite Paul de Chaumedey, Sieur de Maisonneuve, pour devenir ce commandant.  De Maisonneuve ayant de l’expérience militaire s’empressa d’accepter ce poste de chef de l’île de Montréal.

A l’arrivée de Maisonneuve au Canada, le gouverneur Charles Huault de Montmagny lui conseilla en vain de se fixer à l’île d’Orléans, afin d’être hors d’atteinte des Iroquois.  Ne voulant se laisser intimider par le danger, il alla jeter, en 1642, les fondements de la ville de Montréal qu’il nomma Ville Marie. 3

Ces découvertes et fondations n’étaient que le tout début de ce que nous avons appris sur l’histoire du Canada.  Nous ne pouvons affirmer que la Nouvelle-France de ces temps reculés, progressait à vue d’oeil, au contraire, elle restait plus ou moins stagnante, en population et en établissement.

Nous pouvons dire que c’est à partir du milieu du dix-septième siècle que la population a réellement commencé à augmenter par l’arrivée des émigrants ou engagés.

Le Roi avait promis en 1661, d’envoyer au Canada trois cents colons chaque année durant dix ans.  Le recrutement et le transport se firent semble-t-il, au petit bonheur.  Toutefois, si l’on peut en croire le conseiller Louis Rouer de Villeray du Conseil Souverain, souvent ces nouveaux colons arrivaient dans un état pitoyable suite à la traversée qui était longue et pénible. 4

Malgré ces épuisantes traversées, trois cents autres colons étaient encore attendus en 1664.  Plusieurs navires vinrent au Canada cette année là.  Aucune mention sur les passagers, à l’exception d’une liste du navire « Le Noir d’Amsterdam », venu de La Rochelle, qui arriva le 25 mai 1664 et avait pour capitaine Pierre Fillye.  Cette liste comprenait cinquante et un noms de passagers dont une femme, Jeanne Besnard, mariée à Pierre Gadois le 20 avril 1666. 5

La population du Canada de ces années historiques était d’environ 3 035 habitants dont  1976 à Québec, près de 597 à Montréal et 462 pour Trois-Rivières, qui étaient les trois chefs lieux du pays. 6

« Cette Nouvelle-France depuis plus de vingt ans, affaiblie et désorganisée, était aux prises avec un ennemi insaisissable et cruel qui, chaque jour un peu plus, menaçait sa fragile existence.  Le Canada se vidait de ses forces vives à combattre l’Iroquois, dont l’humeur guerrière et carnassière, croissait à proportion de son succès.  Toute la vie coloniale en était affectée.  C’est pourquoi le roi de France, Louis XIV et son secrétaire d’état Colbert, décidèrent d’intervenir avant qu’il ne fut trop tard.   La nomination d’un intendant en particulier, s’inscrivait dans le plan d’une réorganisation devenue nécessaire à la Nouvelle-France ». 7

 A ce moment-là à Québec, Augustin de Saffray de Mézy qui était gouverneur depuis 1663, tomba malade.  Monseigneur de Laval l’assiste dans ses derniers moments.  Le Gouverneur expire le 5 mai 1665.

Le Roi, avant même la maladie de Mézy, lui avait choisi un successeur, en la personne de Daniel Rémy de Courcelle, gouverneur de Thionville en Lorraine.  Il sera assisté d’un intendant en la personne de Jean-Talon à ce moment là intendant du Hainault.  A cette époque, Colbert appréciait Jean-Talon, et il lui confia des pouvoirs administratifs et financiers très étendus. 8

Le 23 mars 1665, Jean-Talon reçu sa commission d’intendant.  En date du 24 mai de la même année, à bord du navire le Saint-Sébastian, en compagnie du gouverneur Rémy de Courcelles, il faisait voile vers la Nouvelle-France avec quatre compagnies du régiment de Carignan, dont celle du capitaine Monsieur de Saint-Ours.  Les navires le Jardin de Hollande et le Justice les accompagnaient avec quatre autres compagnies.  Ils accostèrent à Québec le 12 et le 14 septembre 1665. 9

Plusieurs autres compagnies du régiment de Carignan les avaient précédés dans la même année, ce qui représentait les troupes promises par le Roi pour ramener à la raison les Iroquois.

Dès l’été 1665, avec le pressentiment que les combats ne tarderaient pas à venir, le lieutenant général Prouville de Tracy, afin de se mettre sur un pied de défense, ordonne l’érection de plusieurs forts.  Ce sont les forts de Richelieu ou Sorel, Saint-Louis de Chambly et de Sainte-Thérèse sur l’île du même nom près de Saint-Jean.

Ces trois forts ont été bâtis dans la première année soit en 1665, ainsi que le fort Saint-Jean qui daterait de la fin de la même année, les historiens n’en sont pas encore certains.  Par la suite, le fort Sainte-Anne fut bâti sur une île du lac Champlain et construit durant le printemps et l’été de 1666. 10

La compagnie de Monsieur de Saint-Ours, alla probablement hiverner au fort de Sorel qui venait d’être construit.  Il semble qu’elle participa aussi à l’expédition de Monsieur de Tracy contre les Iroquois en 1666. 11

Après plusieurs campagnes contre les Iroquois, ces derniers prirent panique, et différentes tribus conclurent la paix en 1667.  Les colons déjà établis, purent retourner aux champs sans crainte.  Le régiment de Carignan est rappelé en France, mais Talon reçoit la consigne, traduisant l’intérêt du Roi Louis XIV, de peupler le pays et stimuler l’agriculture.

Pourquoi ne pas offrir aux officiers et soldats du régiment de Carignan l’opportunité de combler ce manque de main-d’oeuvre en échangeant leur métier de soldats contre celui de défricheurs ?  Ceci permettrait d’apporter à la Nouvelle-France de nouveaux colons, et aussi des soldats en attente, si jamais les sauvages voulaient reprendre leurs incursions.
Mère Marie de l’Incarnation écrivait le 18 octobre 1667 :

 “On dit que les troupes s’en retourneront l’an prochain mais, il y a apparence que la plus grande partie restera ici comme habitants, y trouvant des terres  qu’ils n’auroient peut-être pas dans leur pais. ” 12

Les soldats furent licenciés en août 1667. Talon reçoit instruction du Roi, de continuer à :

“Establir l’exercice des armes dans le pays et à faire voir ses forces de temps en temps aux Iroquois et autres nations qui en peuvent troubler la paix,… et de porter par tous les moyens possibles les habitants au défrichement et à la culture des terres, afin non seulement qu’ils en ayent abondamment pour les nourrir mais mesme qu’ils en puissent assister le Royaume en cas de nécessité. ”13

Pour tous ceux qui voulaient s’établir au pays, on leur donnait à chacun d’eux, afin de faciliter leur établissement, cent francs ou cinquante livres avec
des vivres pour une année, à son choix. 14

 “Amener ses nouveaux défricheurs sur le terrain, et leur signifier qu’ils aient à se tirer d’affaire tout seuls, c’est les livrer à la misère, à leur inexpérience et, dans la plupart des cas, les condamner à l’impuissance et au découragement.  Louis XIV le sait.  Tant que les nouveaux venus n’auront pas mis leur concession en état de fournir le pain quotidien, il pourvoira à leurs besoins. ” 15

Mère Marie de l’Incarnation écrivait à son fils le 29 octobre 1665 :

“Ce n’est pas la richesse au depart quand une famille commence une habitation, il lui faut deux ou trois années avant que d’avoir de quoi se nourrir, sans parler du vêtement, des meubles et d’une infinité de petites choses nécessaires à l’entretien d’une maison ;  les premières difficultés étant passées, ils commencent à être à leur aize, et ils ont de la conduite, ils deviennent riches avec le temps, autant qu’on le peut-être dans un pays nouveau comme est celui-ci.  Au commencement ils vivent de grains, de légumes, et de leur chasse qui est abondante en hiver. 
Et pour vêtement et les autres ustensiles de la maison, ils font des planches pour couvrir les maison et débitent des bois de charpente
qu’ils vendent cher… ” 16

Et le 18 octobre 1667 dans une autre lettre, elle dit :

“Ils y vivent de ménage, y aient des boeufs, des vaches, des vollages.  Ils ont de beaux lacs fort poissonneux,
 tant en hiver qu’en été, et la chasse y est abondante en tout temps. ”  17

 J’ai trouvé que ces quelques lignes devaient être insérées ici, parce qu’elles nous donnent un aperçu assez général de la vie vécue en ce temps là.  Contrairement à la vie des paysans français de la même période :

 “Il y a Sire (Louis XIV), — écrivait Omer Talon au Roi, (était-il parent avec Jean Talon ?)  dix ans que
la campagne est ruinée, les paysans réduits à coucher sur la paille, leurs meubles vendus pour le paiement des impositions
auxquelles ils ne peuvent satisfaire. ” 18

 Et Fénelon écrira aussi à Louis XIV :

 “Vos peuples meurent de faim… La France entière n’est plus qu’un grand hôpital désolé et sans provisions . ” 18

 

                                                                    

 

En 1669, plus de 400 soldats décidèrent d’adopter le Canada pour patrie. 19  Des seigneuries sont distribuées aux officiers du régiment de Carignan par l’intendant Talon.

Monsieur de Saint-Ours, capitaine de sa compagnie, reçoit le 29 octobre 1672, une seigneurie de deux lieues de front sur sept de profondeur.  Celle-ci faisait face au fleuve Saint-Laurent, bornée au nord par celle de Monsieur de Saurel, de l’arrière par la rivière Yamaska et au sud, par celle de Monsieur de Contrecoeur.

Le capitaine Pierre de Saint-Ours, devenu par le fait même seigneur de la seigneurie de Saint-Ours, s’empresse de s’y établir.  Il distribue aux soldats de sa compagnie, des concessions d’environ deux arpents de front sur trente de profondeur.

À qui monsieur de Saint-Ours attribua-t-il sa première concession ?  A un soldat du nom de Pierre Mesnard dit Xaintonge (Saint-Onge ou Saintonge) qui sera inscrit par la suite au recensement de 1681, comme notaire et cordonnier de la seigneurie de Saint-Ours et des environs.  Le contrat fut passé devant le notaire Antoine Adhémar daté du 5 novembre 1673 et écrit comme suit :

 “Pardevant ledit Adhémar notaire Royal de Saurel et tesmoings bas nommés fust présent Messieus Pierre de St-Ours Seigneur de St-Ours lequel de gré a donné et concédé et par ces présentes, donne et concède à pure roture et à tiltre de cens et rente foncière Seigneurialle non rachaptable à Pierre Mesnard dit Xaintonge demeurant audit St-Ours pour luy ses hoirs et successeurs à ladvenir, une concession size audit St-Ours de la contenance de deux arpents de front sur trente de profondeur,… sur le devant d’icelle avec le fleuve St-Laurent, du coté du sud ouest et au bout desdit trente arpents, aux terres dudit Seigneur de St-Ours, et du coté du nord est, audit Pierre Dextras dit Lavigne, sous la rente annuelle et perpettuelle d’un sol tournois pour chaque arpent de terre ou de bois, et d’un bon chapon vifs pour chaque arpent de devanture d’icelle,… Mesnard devra aussi entretenir en bon estat sur ladite concession, un chemin Royal pour l’utilité publique et devra faire moudre son grain au moulin dudit Seigneur de St-Ours lorsqu’il en aura fait construire un,… Sera tenu ledit Mesnard de laisser sur la devanture de la concession un demy arpent de terre que sera deux perches et demie de front à prendre depuis le coteau qui est sur le bord du fleuve allant en profondeur pour servir de pasturage tant aux bestiaux dudit Mesnard que ceux des autres habitants dudit St-Ours,… fait et passé audit St-Ours le cinquiesme jour de novembre mil six cent septante trois (1673) avant midy en présence de Jean Bouvet Sieur de la Chambre et Jean Riout dudit St-Ours soussignés avec ledit Seigneur de St-Ours. ” 20

Même si les seigneuries n’ont été passées sous contrat qu’en 1672, les seigneurs et colons ou censitaires étaient déjà établis sur leur seigneurie et lopin de terre depuis 1668 ou 1669.  Certains même devaient  déjà  être  mariés.

L’un de ces seigneurs a certainement voulu servir d’exemple à ses compagnons d’armes, puisque Monsieur de Saint-Ours s’est marié à Mlle Marie Mullois à Champlain le 8 janvier 1668.

 Donc, suite à ce que nous venons de voir, nous pouvons presque confirmer que notre ancêtre Pierre Mesnard, étant de la compagnie de Monsieur de Saint-Ours, serait partie de Larochelle en France sur le navire du roi appelé Saint-Sébastien en date du 24 mai 1665 et accompagnait le gouverneur de Courcelle et l’intendant Talon.  Le navire ayant fait relâche à Gaspé à la demande de Talon, la compagnie du capitaine de St Ours, changea de navire et accosta à Québec sur le navire La Justice,  en date du 14 septembre 1665.

 

                                       

 

*Le  Surnom  des  Soldats *

Lors de leurs engagements au régiment, les nouvelles recrues recevaient de leurs camarades,
un sobriquet en remplacement de leursnoms de famille. 
Ce nom de guerre restait souvent attaché à leurs noms et pour certains, finissait par les remplacer.

Ce sobriquet qui leur servait de nom d’emprunt, était le plus souvent dérivé de leurs particularités physiques, morales ou mental, ainsi que de lieux, métiers, etc.. Ex.:  La Bonté, La Douceur, La Malice, Lajoie, Vadeboncoeur, Prètaboire, Le Parisien,  Xaintonge, Le Meusnier,La Tonnelle, Le Boulanger.

 Pierre Mesnard dit Xaintonge, Saintonge ou  venait-il réellement de cette ancienne province française,
dont la capitale Sainte était localisée à environ 70 kilomètres de La Rochelle, d’où partit le régiment de Carignan ? Aujourd’hui la Saintonge est désignée par la Charente Maritime.

  “Son surnom de Xaintonge veut certainement dire sans doute, qu’il serait natif de cette province de France.”21

 Je ne saurais le dire, puisque au moment où j’écris ce travail, aucune preuve tangible vient certifier qu’il serait né à cet endroit. Quelle joie se serait pour moi de pouvoir vous communiquer cette trouvaille.  Cela me permettrait de vous renseigner sur ses parents et plusieurs autres choses qui seraient si chères à mon cœur…,
mais ce ne sont pour le moment que des joies.
J’espère un jour que ces joies combleront le désir de mes descendants.
 

 

Pierre Mesnard  et  Marguerite Deshaies

 

 

Le recensement de 1668 mentionne que “quatre cent soldats se sont établis cette année même dans le pays, mais non encore portés sur le sens (recensement)”.  Hors en 1666 et 1667, la plupart avaient déjà reçu leurs terres et  s’étaient déjà installés. 22

 “Les soldats d’eux même avec une concession de terre, réclament une femme, et il est nécessaire parfois de modérer leur impatience et de ne point leur permettre d’en venir au sacrement avant qu’ils aient terminé la chaumière où s’installera la nouvelle épouse. ” 23

          Avons-nous une idée de ce qu’était la chaumière que devait bâtir ou faire bâtir nos aïeux pour y élever leur future famille ?  L’abbé Couillard Després dans son “Histoire de la Seigneurie de Saint-Ours ”, nous en donne un aperçu, d’après la description du manoir que le seigneur de Saint-Ours s’est fait construire sur ses terres en face du grand fleuve Saint-Laurent.

“Le manoir est construit de poutres équarrie sur le modèle de la plupart des maisons de l’époque.  Il ne se distingue de la demeure des colons que par ses dimensions plus vastes.  Il a cinquante pieds de longueur et dix-huit de largeur.  Il est lambrissé en planches.  Il n’a qu’un étage avec comble à pignon.  Ce dernier et unique étage est divisé en quatre appartements. Une cuisine spacieuse donne sur le jardin;  une salle aussi vaste regarde le fleuve et sert aux réunions.  La chambre du seigneur est à côté;  près de celle-ci se trouve celle destinée aux enfants. ” 24

                                               
Maison de Pierre Mesnard dit Xaintonge

Telle était la maison de Pierre Mesnard, à peu de chose près outre les dimensions bien entendues.  Mais avant que cette maison ne soit bâtie, ni Mère Marie de l’Incarnation, ni l’abbé Després ne fait mention des difficultés que les nouveaux habitants ont à rencontrer durant les deux ou trois premières années avant de pouvoir se nourrir convenablement.  Avant de bâtir, il fallait défricher la forêt pour y établir l’emplacement de sa maison.  Louise Dechêne nous en donne un bon aperçu dans son volume “Habitants et Marchands de Montréal au XVIIième siècle, pp. 271-273”

 ’’ défrichement d’une terre est une tâche longue et pénible à laquelle peu d’immigrants ont été préparés:

“Imaginons pour commencer un colon qui, grâce aux économies qu’il a pu réaliser pendant ses années de services ou avec la solde de soldat, peut consacrer tout son temps à la mise en valeur de la terre à bois debout qui vient de lui être donnée en cens et rente. ”

“Nous sommes en avril 1670, la neige achève de fondre.  Sa première tâche est d’abattre ce qu’il faut “d’arbres pour construire une  cabane de pieux d’environ quinze pieds sur vingt, de petits arbres qu’il aiguise à un bout et plante en terre.  C’est une construction fruste sans plancher ni cheminée, mais qu’il faut rendre suffisamment étanche pour y passer au moins un hiver. ”

 “Il utilise des herbes et écorces pour faire le toit et boucher les fentes.  Au bout de trois à quatre semaines, il peut apporter son coffre et ses provisions dans cette cabane, quitte à la parfaire avant l’hiver.  Il lui faut maintenant choisir et abattre des arbres de plus grande taille, de meilleure qualité et d’un gabarit sensiblement égal qui serviront à construire la maison. ”

 “Le travail sera moins long si ce second chantier peut être fait dans un rayon restreint et coïncider avec la première clairière.  Tout dépend de la nature du bois.  De préférence, il choisira les chênes, sinon le pin, qu’il coupe en pièce de 18 et 22 pieds et placées à l’écart.  Avec une hache pour tout instrument, sans attelage pour haler les troncs, il lui faut plusieurs semaines pour compléter cette seconde étape. ”

 “En juin, il commence à nettoyer la terre ainsi dégagée, n’entreprenant pas plus d’un ou un et demi arpent à la fois.  Il s’agit d’arracher toutes les souches des arbres qui ont un pied et moins de diamètre.  Les plus gros, qui sont « hors de hache », sont « rasés et rayés » c’est à dire, faire une entaille circulaire à travers l’écorce et la couche de cambium, au ras du sol.  Il n’y a plus qu’à attendre qu’ils meurent, que les souches pourrissent, ce qui prend environ quatre à cinq ans.  Les rebuts de bois sont débités et cordés près de la cabane pour le chauffage.  Tout ce qui reste sur le sol, avec la « fardoche » (broussaille), est ensuite brûlé.  L’arpent est « net » et près à être pioché.  C’est le travail de l’automne; amollir la terre et les cendres en surface entre les gros troncs pour la préparer à recevoir la première semence de grains tard dans la saison ou au printemps. ”

 “Il faut ensuite finir d’aménager la cabane pour l’hiver et ne pas attendre trop longtemps avant d’apprêter les pièces de bois qui ont été mises de côté.  L’équarrissage à la hache les protèges.  Pendant l’hiver, le colon entreprend un nouveau chantier, taillant alors à trois ou quatre pieds du sol, soit la hauteur de la couche de neige.  Ce type d’essard ne peut pas recevoir de blé au printemps.  Certains y sèment du mais, des fèves et des citrouilles à la manière indienne, quitte à reporter le nettoyage à l’automne. ”

 “Au bout d’un an d’occupation, ce colon peut déclarer un arpent « en labours de pioche » et deux arpents « d’abattis ».  Chaque année, il ajoute deux arpents à ses emblavures en même temps qu’il bâtit sa maison permanente de « pièce sur pièce » avec un plancher de madrier, toit de planche, cheminée de bousillage.  Il achète une taure, une truie, quelques volailles et la cabane est transformée en étable sitôt qu’il peut emménager dans la maison neuve. ”

 “Cinq ans environ après le début de la mise en valeur, il peut, avec un boeuf ou deux, tirer sans trop de peine les souches pourries hors du sol et graduellement il met sa terre « à la charrue passante ».  Les travaux de défrichement commencent à ralentir à mesure que les tâches agricoles proprement dites s’alourdissent.  S’il maintient le rythme que nous avons esquissé, il faut compter dix ou onze ans avant d’avoir une dizaine d’arpents en labours de charrue, le minimum pour pouvoir mettre en soles lorsqu’il y a une famille à nourrir. ” 25

Telles étaient les difficultés que les colons avaient à rencontrer durant ces premières années de défrichement car :

 “Bien peu ont des économies nécessaires pour subsister dix-huit mois en attendant la première récolte, payer le notaire, l’arpenteur,    acheter les outils, ustensiles, clous et semences.  (Ce qui représente un capital de 200 à 250 livres pour les premiers dix-huit mois et au moins autant dans les deux années suivantes pour acheter des bêtes, le foin, etc.., tant que le produit de la terre reste insuffisant.) Et comme ces anciens engagés et soldats prennent ordinairement femme avant de prendre une terre où sitôt après, il faut doubler les rations car la dot, si toutefois il y en a une, ne couvre pas l’entretien de la jeune mariée sur une aussi longue période. ” 26

 Mais pour pouvoir se marier, il fallait des filles, et pour se faire :

“Louis XIV et Colbert avaient conçu un plan qui avait des garantis de succès.  Le trésor royal s’engageait pour la première fois, à contribuer aux frais du voyage et à une partie du coût d’établissement en Nouvelle-France, d’émigrantes recrutées dans la mère patrie.  Ces filles communément appelées « Filles du Roi » devaient être jeunes, saines et capables de seconder leur mari dans les travaux agricoles et de remplir leur rôle de mères.  Le colon canadien du XVIIe siècle, devait nécessairement vivre de revenu de sa terre, très modeste au début, pour

L’alimentation des membres de sa famille et la confection des hardes, etc…  C’est alors que son épouse pouvait l’aider et, de fait, elle le fit grâce à l’enseignement reçu dans les refuges où elle avait vécu ou dans sa famille.

Les possibilités de faire des travaux de coutures ajoutés à la tenue d’une maison d’habitant et au soin des enfants, occupaient la femme d’un paysan pendant une longue journée qui se terminait tard dans la soirée. Cet amour du travail de la femme d’un habitant a été et est encore en honneur dans nos campagnes.  Cette tradition ne vient-elle pas des lointaines pionnières qui l’ont transmise à leurs descendantes ? ”27

Bien que nous croyions que Pierre Mesnard se serait marié vers 1670, nous n’en avons encore aucune preuve, puisque l’acte et le contrat de mariage sont introuvables.  Mère Marie de l’Incarnation écrivait le 18 octobre 1667 :

 “Il est venu cette année quatre-vingt-douze Filles de France qui sont déjà mariées pour la plupart à des Soldats et à des gens de travail, à qui l’on donne une habitation (terrain) et des vivres pour huit mois, afin qu’ils puissent défricher des terres pour s’entretenir. ” 28

Le chiffre exact, Talon  le fournit, à savoir quatre-vingt-quatre jeunes filles prises à Dieppe, et vingt-cinq à la Rochelle, en tous cent neuf jeunes “épouseuses” vite acheminées vers l’autel matrimonial. 29
           
 
Ces jeunes filles souvent dégradées et calomniées par des “écrivailleurs d’histoire peu scrupuleux ”, tels les Saint-Amant, Bussy-Rabutin, La Hontan, Vergennes etc. , ne sont pas de loin de ce que plusieurs  pensent.   Pierre  Boucher disait en 1664 :

 “Il n’est pas vray qu’il vienne icy de ces sortes de filles, et ceux qui en parlent de la façon, se sont grandement mépris, et ont pris les Iles de St-Christophe et de la Martinique pour la Nouvelle-France :  S’il y en vient icy, on les connaist point pour telles ; car avant que de les embarquer, il faut qu’il y aye quelques uns de leurs parents ou amis qui assurent qu’elles ont toujours esté sages :  Si par hazard il s’en trouve quelques-unes de celles qui viennent, qui soient décriées, ou que pendant la traversée elles ayent eu bruit de mal-comporter, on les renvoye en France. ” 30

Ces filles du roi étaient recrutées ordinairement d’écoles d’orphelins ou de familles pauvres, si non, de familles de petite bourgeoisie.  Plusieurs d’entre elles, surtout celles qui venaient d’un couvent avec une formation assez complète des travaux ménagés :

 “Se retrouvaient sur une terre isolée, dans une misérable cabane avec un homme qu’elle ne connaissaient pas, sans avoir rien choisi, mais elles ont gagné une certaine sécurité dans leur aventure. ” 31

Parmi les filles du roi, il y avait une dénommée Marguerite Deshaies, qui devint la destinée de Pierre Mesnard.  Était-elle du groupe de 1667 ?  Je le croirais, puisque Marguerite a une soeur prénommée Marie qui s’est mariée à Adrien Bétourné dit Laviolette.  L’acte de ce mariage est aussi introuvable, mais l’on sait que Marie a été confirmée au fort Saint-Louis de Chambly le 20 mai 1668, et est dit du diocèse de Rouen. 32

Elle avait 13 ans et se serait mariée dans la même année, puisque son fils avait 12 ans au recensement de 1681.  Donc si Marie à été confirmée en Nouvelle-France, elle était certainement avec sa soeur aînée Marguerite, donc ces deux filles du roi seraient arrivées toutes deux dans le groupe de 1667 ou 1668.

Mais direz-vous, comment peut-on prétendre que Marie était la soeur de Marguerite Deshaies ?  C’est dans un contrat de mariage entre François Gélineau et Marguerite Mesnard, fille de Pierre et de Marguerite Deshaies en date du 26 juin 1689, devant le notaire Jean-Baptiste Fleuricourt, où il est dit :

 “Passé aud Répentigny en la maison Dadrien Bettourné dit Laviolette, de Marie Deshaies oncle et tante de ladite Marguerite Mesnard. ” Donc cette affirmation écrite nous apporte la preuve irréfutable d’une parenté entre elles. 33

 On faisait présent aux filles du roi en les mariant, de provision de toute nature et d’effets d’une valeur de cinquante livres.

“Les effets comprennent un petit trousseau équipé des articles suivants ;  une cassette, une coiffe, un mouchoir de taffetas, un ruban à soulier, cent aiguilles, un peigne, un fil blanc, une paire de bas, une paire de gant, une paire de ciseau, deux couteaux, un millier d’épingles, un bonnet, quatre lacets et deux livres en argent. ” 34

 Par la suite, après son installation au pays, l’intendant Talon établit la coutume de remettre à chacune, la somme de cinquante livres en monnaie du Canada, en denrées propres à leur ménage. 35

Mère Marie de l’Incarnation écrivait en octobre 1669 :

“Les vaisseaux ne sont pas plutôt arrivez que les jeunes hommes y vont chercher des femmes,
et dans le grand nombre des uns et des autres, on les marient par trentaine. ” 36

   Si les filles du roi se marient aussitôt arrivées ou presque d’après les écrits de Mère Marie de l’Incarnation, pourquoi Pierre Mesnard aurait-il attendu qu’en 1670 pour se marier avec Marguerite Deshaies? Pourquoi Marguerite ne se serait-elle pas mariée, elle aussi la même année que sa soeur Marie ?  D’après les historiens, aucun soldat de la division de Monsieur de Saint-Ours ne retourna en France le 28 août 1667 avec Monsieur de Tracy. 37   Donc  Pierre étant présent, pourquoi ne se serait-il pas marié lui aussi en 1668 ?

 La date probable du mariage de Pierre et Marguerite donnée par les historiens, en est déduite de par le recensement de 1681, d’où son premier enfant Marie-Marguerite est âgé de dix ans.  Cela nous reporterait à 1671 pour la naissance de l’enfant, et à peu de chose près 1670 pour le mariage.

 C’est une déduction, mais supposons que Pierre et Marguerite auraient eu la naissance d’un enfant mort-né ou décédé à bas âge avant la venue de Marie-Marguerite, ce qui était très fréquent à l’époque. Cette hypothèse d’une naissance avant sa fille Marie-Marguerite, nous reporterait à l’année 1669 pour la venue du nouveau né, et 1668 plus ou moins pour le mariage, ce qui pour moi serait des plus plausible.  Mais encore là me direz-vous, ce n’est qu’une autre hypothèse parmi tant d’autres, puisque nous ne pouvons vérifier les registres du temps, ils ont été détruits par l’incendie de la maison du docteur Bouvet sieur de La Chambre, en date du 24 octobre 1724, où le père Benjamin, missionnaire de l’endroit et des environs à l’époque y faisait sa résidence. 38

 


Leur Vie de Couple

                Bien que l’entente de paix aie été signée entre eux, il arrivait occasionnellement au début, que les Iroquois attaquaient les habitants durant leurs travaux de défrichement.  Il fallait toujours être sur ses gardes et si nécessaire, pouvoir se défendre avec son fusil qui devenait à ce moment le seul ami sur qui l’on pouvait compter.

               Au premier temps de leur vie de couple, combien de fois Pierre et Marguerite ont-ils été obligés de pénétrer dans l’enceinte du fort de Saint-Ours pour se protéger de ces attaques iroquoises ?  Certainement plusieurs fois.  (Note : Saint-Ours, Contrecoeur et Verchère ainsi que la plupart des seigneuries avaient leur propre fort ou enceinte.)

              Quoi qu’il en soit, Pierre et Marguerite ont quand même vécus plusieurs années ensemble, et malgré les attaques répétées des indiens, ce couple n’a pas trop eu de malchance, puisqu’en 1681, le recensement nous confirme cinq enfants vivants, à savoir : Marie-Marguerite (du nom de sa mère) 10 ans, Pierre (du nom de son père) 9 ans, Madeleine 7 ans, Geneviève 4 ans et Catherine 2 ans.  Ils avaient à leur crédit ; 1 fusil, (probablement celui du régiment de Carignan), quatre bêtes à cornes et six arpents en valeurs. 39

              Au début de leur vie commune en tant qu’habitant, (titre honorable à l’époque contrairement à paysan employé en France) 40 les faits ne nous sont pas parvenus en abondance soit par des écrits notariés ou autres.

             En revanche, son côté professionnel comme notaire seigneurial a été beaucoup plus marqué.  Cent quarante huit contrats ou documents légaux de tout format et de toute espèce, y compris ses contrats sous seing privés, nous sont parvenus jusqu’à ce jour et elles sont conservées aux Archives Nationales du Québec à Montréal.  (J’ai fait la paléographie partielle et indexée des contrats de Pierre Mesnard, et les ai déposé aux A.N.Q. à Montréal.)

 Son minutier n’est pas très volumineux, mais il faut penser que les populations de Saint-Ours et de Contrecoeur au recensement de 1681, ne comprenait ensemble que vingt six ménages ou familles.

 De plus, il ne faudrait pas oublier que Pierre Mesnard en plus d’être notaire et colon, pratiquait le métier de cordonnier d’après le même recensement, donc ce n’est pas les activités qui lui manquaient.  Toute fois, j’aimerais savoir où et quand Pierre apprit son métier de cordonnier ?  L’était-il en France avant de s’être engagé au régiment de Carignan ?  S’est-il improvisé cordonnier ?  Je ne saurais le dire, puisque aucun écrit ou fait, autre que le recensement, ne vient confirmer ou infirmer ce métier pratiqué parallèlement avec sa profession notariale.

Pierre aurait dû avoir, après une douzaine d’années de défrichement, environ 24 arpents de terre en valeur d’après l’ordonnance de Talon du 22 mai 1667, qui exigeait deux arpents abattus et mis en culture par année.41  Alors, pourquoi avait-il défriché seulement six arpents au recensement de 1681 ?  Seraient-ce les métiers menés en parallèle avec celui de colon qui auraient retardé la mise en valeur de sa concession ?  Peut-être.

Mais tout cela veut quand même dire qu’en une douzaine d’années, le statut économique de Pierre Mesnard et de Marguerite Deshaies comme on peut en juger, a atteint le degré de solvabilité, et probablement tout près de la prospérité pour l’époque.

Le métier de cordonnier en ce temps là, rapportait en gain annuel, environ cinq cent livres. 42  Le revenu de Pierre en tant que notaire m’est inconnu, mais l’on peut considérer que ce n’était pas volumineux.  Pour ce qui est du revenu de la ferme, je croirais que les produits récoltés servaient qu’à l’alimentation de la famille.

La somme de cinq cent livres, qui était le revenu de la cordonnerie, a beaucoup plus de signification quand on peut le comparer à une liste de prix de produits divers, communément en usage à cette époque.  Exemple:

1 table et 6 chaises en pin et cerisier : ………………………….9 livres
1 lit usagé : …………………………………………………………..10 livres
1 poêle à frire : ……………………………………………………….2 livres
2 lampes en métal : ………………………………………………….2 livres
1 corde de bois : ……………………………………………………..3 livres
1 porcelet (petit porc) : …………………………………………….9 livres
1 gros cochon : ……………………………………………………..28 livres
1 vache : ………………………………………………………………35 livres
1 veau : ………………………………………………………………..15 livres
12 poules et un coq : ………………………………………………..8 livres
1 boeuf : ………………………………………………………………75 livres
1 cheval avec harnais : ………………………………………….100 livres

Total: …………………………………………………………296 livres

 À première vue, vous allez certainement croire ou imaginer que Pierre devait avoir une vie facile.  Il ne faudrait pas oublier que beaucoup de personnes à cette époque, n’ayant pas d’argent liquide, payaient leur dû avec de la marchandise.  Donc un montant total peut-être mirobolant au départ, mais peu réel dans son contexte.

Des moments difficiles, il a certainement dû en rencontrer car, en plus des attaques indiennes :

“Une espèce de maladie contagieuse avait enlevé 1400 personnes au Canada en 1687, et de plus, fut suivie d’une famine qui a durée plusieurs années. ” 43
“Entre 1689 et 1694, les Iroquois sèment la désolation dans les côtes, et sur ce fond de malheur viennent se greffer trois mauvaises récoltes. ” 44

Comme on peut le constater, la vie de nos pionniers n’était pas toujours rose comme le dit l’expression.

Même si Pierre et Marguerite n’avaient qu’un fils en 1681, probablement que leurs filles aussi travaillaient au champ avec leur frère à manier la pioche ;  comme tous les enfants de la même période :

“Même les deux filles du seigneur de St-Ours travaillaient au champ à couper du blé, et Monsieur de St-Ours tenait les manches de la charrue.  Il n’y avait pas de place pour ceux qui ne voulaient pas travailler.  La première condition de toute existences en Nouvelle-France, était de gagner sa vie. ” 45

Ce n’est pas tout le monde qui pouvait se permettre d’avoir une…

“Charrue à rouelle comprenant soc, coutres, deux rouelles, chaîne, prouil (timon), chevilles de fer, frettes et mancherons, puisqu’il fallait un attelage d’au moins deux boeufs, si possible quatre, pour tirer cette charue,… donc pour plusieurs, la pioche en était son succédané. ” 46

Par chance, deux autres fils viendront par la suite augmenter la famille, soit Adrien né le 29 octobre 1682 et baptisé le 8 novembre 1682 à Saint-Ours.  Son parrain fut son cousin Pierre Bétourné, fils d’Adrien et de Marie Deshaies.  Adrien se maria en 1708 à Elisabeth Fayolle, et décédera à l’hôtel Dieu de Montréal le 17 septembre 1714, après seulement six ans de mariage.  Suivra François-Marie né le 19 décembre 1685.  Ce dernier se marie à Marie-Jeanne Charpentier le 18 janvier 1712 à Répentigny.  De cette union, neuf enfants en résulteront, incluant des jumeaux.  François-Marie fut Capitaine de Milice.

Dans les premières années, les seigneuries de Saint-Ours et de Contrecoeur n’ayant pas à leur église de cure permanente, (Les registres de la paroisse Sainte-Trinité de Contrecoeur débutent en 1668, tandis que ceux de l’Immaculée Conception de Saint-Ours ne débutent quand 1750) les missionnaires passaient de temps à autre, afin de rencontrer leurs ouailles et enregistrer les actes de baptêmes, mariage et sépulture.  Plusieurs baptêmes étant faits à la maison au moment de la naissance par un membre de la famille, ordinairement le père, c’est peut-être pour cela que nous ne retrouvons pas les actes de baptême des premiers enfants de Pierre?  (Voir dans histoire de Sorel de l’abbé A.Couillard Després à propos des missionnaires des seigneuries à la page 78.  Ce qui c’est appliqué à Sorel, peut aussi l’être pour Saint-Ours et autre seigneurie.)

Il y a aussi quelques points d’interrogation que l’on se pose.  En 1676, 1678 et 1681, Monseigneur de Laval est de passage successivement à Saint-Ours, Contrecoeur et Sorel pour administrer le sacrement de confirmation.  Il enregistre la liste des personnes confirmées, mais chose étrange, aucun Ménard n’y est indiqué !  Pourtant quelques enfants de Pierre et Marguerite étaient d’âge à être confirmés.  Pourquoi ?  Mystère.

Les registres de Contrecoeur datés du 5 juin 1678 au  premier janvier 1681 étant disparus ou introuvables, cela ne nous aide pas à éclaircir ou à éliminer nos points d’interrogation.

Nous nous retrouvons donc deux ans et demi sans aucune source de renseignement.  Ils ont cependant été reconstitués au moyen du recensement de 1681 et ce, pour l’année 1678.46  Ceux des années 1687 à 1699 n’existent plus, ils ont été détruits dans un incendie le 24 octobre 1724 dans la maison du chirurgien Jean Bouvet sieur de La Chambre, tel que dit précédemment dans cet ouvra

La famille Mesnard ou Ménard, (Jusque vers 1710, on écrivait Mesnard.  Par la suite, surtout pour les actes d’état civil, les curés écrivaient Mesnard ou Ménard, et même les deux façons sur le même acte.), avait quand même un certain avantage que plusieurs autre familles n’avaient pas. Elle avait de la parenté.  C’est certain que tous les gens du village se côtoyaient en tant qu’ami pour la survie de la colonie, mais de la parenté de sang devait certainement être un atout :

“Les enfants Ménard avaient de temps à autre, la visite de leur oncle Bétourné et de leur tante Deshaies avec leur fils Pierre, sans aucun doute prénommé en l’honneur de son parrain Pierre Menard.  On devait parler de parents lointains de France et raconter aux enfants, la façon d’on ils avaient passé leur jeunesse dans les pays d’Europe.  De belles histoires à raconter au coin du feu durant les longues soirées d’hivers. ” 48

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En juillet 1688, les Indiens de la tribu des Agnier débouchent du Richelieu, brûlant maisons et abattant bestiaux à Contrecoeur, Saint-Ours et Sorel. 49

En 1691, les villages de Saint-Ours et de Contrecoeur sont encore une fois ravagés par les Indiens.  Ils brûlent plusieurs habitations et exercent des ravages durant huit jours.50  Pierre et ses fils se sont certainement battu corps et âmes, afin de sauver le plus de biens possibles ;  animaux, bâtiments et qui sait, ses actes notariés ?  Par contre, je crois bien que dans des moments semblables, on essaie surtout de sauver sa peau et celles des siens avant de penser à autres choses.

Je dis que Pierre et ses fils se sont battus, pourquoi pas non plus ses filles, elles avaient quand même de 12 à 20 ans.  Madeleine de Verchères n’avait-elle pas 14 ans lorsqu’elle défendit le fort ?  Elle savait se servir d’un fusil, ce que savaient faire plusieurs enfants de cet âge à cette époque.  La survie en dépendait.
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Je n’ai pas trouvé beaucoup de papiers notariés ou autres sur la vie privée et sociale de Pierre Mesnard et de Marguerite Deshaies sa femme.

Le premier janvier et le vingt-sept octobre 1669, Pierre signe, par personne interposée, sur deux contrats passés devant le commis reporteur Christophe Richard à Saint-Ours.  Par la suite, il y a le contrat de concession par Monsieur de Saint-Ours décrit précédemment, et un autre contrat en date du dix-huit juillet 1677, et passé devant le notaire Adhémar.  Ce contrat est une permission accordée par Monsieur de Saint-Ours à six résidents de la seigneurie dont :

“Maître Pierre Mesnard dit Xaintonge notaire de la seigneurie de St-Ours… de mettre à perpettuitté leurs bestes à cornes pour herbager dans lisle appelée de St-Pierre (aujourd’hui île de Saint-Ours) vis à vis la Seigneurie de St-Ours. ”

Ce sont les seuls actes notariés que j’ai pu trouver à date qui le concerne personnellement.  Il m’est impensable de croire que Pierre en tant que notaire, n’a pas eu de démêlés avec qui que ce soit ;  tels des actes d’achats, de vente ou autres engagements quelconques, cela me paraît impossible à croire.

Pour ce qui est de sa vie sociale proprement dite, je ne peux dire que cette dernière fut des plus intense, du moins par rapport aux écrits qui nous sont parvenus jusqu’à ce jour.

Il fut parrain à quelques reprises pour les enfants de ses meilleurs compagnons d’armes, tel Jean Blet dit Gazaille, et Mathurin Banlier dit Laperle.  Aussi du fait qu’il savait lire et écrire, il acceptait de signer comme témoin à différents moments sur des actes notariés.

Sa vie publique ou professionnelle a été beaucoup plus remplie en tant que notaire seigneurial, juge et sergent huissier.

Les historiens font débuter Pierre Mesnard comme notaire en 1673. 51  Est-ce suite à son minutier qui commence par un contrat de vente en date du 16 avril 1673 ?  Chose étrange, ce contrat est numéroté dix-huit.  Faudrait-il croire que déjà à cette date, Pierre aurait eu à son crédit dix-huit contrats qui auraient disparus, perdus ou je ne sais quoi ?  Et pourquoi sur les actes civils de mariage de Jean Blet dit Gazaille à Françoise Jardinier en date du 16 avril 1671, et celui de Louis Charbonnier dit Saint-Laurent à Anne Blainvillain en date du premier janvier 1672, est-il marqué qu’un contrat de mariage a été passé à Contrecoeur par le notaire Pierre Mesnard ?  Ces deux derniers contrats sont manquants aussi à son minutier.  Donc il se pourrait que le notaire Mesnard ait débuté avant 1673.  Il est regrettable à ce moment que l’on n’ait pas encore retrouvé l’acte de ratification ou d’insinuation du notaire Pierre Mesnard, ce qui nous donnerait la date exacte de ses débuts comme notaire.

Même s’il n’était que notaire seigneurial, il devait quand même être au courant de certaines règles légales puisque la seule différence entre le notaire royal et seigneurial, était que le notaire royal pouvait pratiquer dans un territoire qui était directement soumis à l’autorité royale, tandis que le notaire seigneurial était nommé par le seigneur et ne pouvait instrumenter ou pratiquer qu’à l’intérieur des limites de la seigneurie. 52

 “Pour être accepté notaire, la personne devait auparavant subir une information de vie et moeurs, c’est-à-dire témoigner de la dignité de sa vie et de sa religion catholique et romaine.  Il adressait alors une supplique au lieutenant de la prévôté, le priant de bien vouloir le recevoir, lui et ses témoins, et procéder à l’information.  Le jour venu, devant le lieutenant de la prévôté, comparaissaient quelques personnages dignes de foi, non parents du candidat, et qui témoignaient de l’honnêteté de sa vie. La permission du curé étaitaussi nécessaire.  L’information jurée satisfaisante, l’aspirant prêtait le serment “requis et accoutumé. ”  Il pouvait dès lors exercer son office de notaire dans les limites désignées par sa commission. ” 53

 

Ceci est un fac-similé d’une quittance écrite de la main de Pierre Mesnard, en date du 26 novembre 1673.  Ce document fait suite à un contrat de vente fait sous seing prive, entre Jean Cellurier à Francois Deguire daté du premier janvier 1669 passé devant le tabellion Christophe Richard

Par devant ierre Mesnard notaire en la Seignerie de St ours a este present et personnellement Jean Cellurier dit des loriers abitant dudit St ours lequel a Ce Jour d ‘Huy
Recongnu ConfeSSe avoir et Recu de francois de guire dit la Roze auSSi abitant dudit St ours la Somme de Six vingt livreS tournoiS de la ConceSSion que ledit la Roze a aquiS dudit deS loriers ainsi que ledit deS loriers le tien quitte de la ditte Somme Sans Jamais
luy en faire aucune demande ny Rachat et de tout en tout fait Ce j’our d ‘ Huy
Ce vingtieSme Jour  de novembre Mil Six Cent SoiSante  et Treizes  P MeSnard

 

 

L’intendant Bochard de Champigny dans une ordonnance du 21 février 1692 dit :

“Vu qu’il n’y a pas de notaire à Verchères et que la justice de ce lieu qui est Trois-Rivières où il est difficile de se transporter à cause de l’éloignement et de la guerre, nous avons commis…Xaintonge, (Pierre Mesnard dit Xaintonge) Notaire à St-Ours, pour faire l’inventaire des biens laissés par André Jarret de Beauregard,… ” 54

             Cet inventaire fut fait le 12 avril suivant par le notaire royal Basset.  Verchères étant hors des limites de la seigneurie de Saint-Ours, c’est peut-être pour cette raison que Pierre n’a pu faire ce contrat ?
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          On le dit aussi huissier en vertu d’une ordonnance du juge Claude Jaudoing du bourg et seigneurie de Contrecoeur, en date du 30 décembre 1675, suite à un procès-verbal d’une saisie de grains et autres objets appartenant à Pierre Le Siège dit La Fontaine de Contrecoeur.  Il signe, “P.Mesnard Sergent ” 55 donc agit bel et bien ici en tant qu’huissier.  Par contre, à date c’est le seul acte trouvé et attaché à cette fonction que je connaisse.

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Pour ce qui est de la participation de Pierre Mesnard en tant que juge seigneurial, 56  je ne peux rien dire puisque je n’ai encore trouvé aucun document d’acte judiciaire s’y rattachant.  En revanche, je me dis que si un archiviste aussi renommé et chevronné que monsieur Jean-Jacques Lefebvre d’affirmer une telle chose, c’est que ce dernier a certainement dû voir des actes judiciaires le concernant.

Nous savons qu’il y avait une cour de justice à Contrecoeur au 17ième siècle, mais comme le disait si bien monsieur E.Z.Massicotte :

“Ou sont donc allées toutes les pièces judiciaires de ce tribunal ?
Quelques chercheurs nous fourniront la réponse un jour, sans aucun doute. ” 57

Ce chercheur, après soixante ans ne nous est pas encore connu.  Par cette présente, j’aimerais réitérer la dernière phrase de monsieur Massicotte, espérant ne pas attendre autant d’années.

Il me manque encore beaucoup de documents, et il reste aussi plusieurs questions dont je me pose et qui n’auront peut-être aucune réponse.  Par mis celles-ci, il y en a une qui me hante au plus haut point, et la voici.  Pourquoi Pierre Mesnard a-t-il reçu la première concession du seigneur de Saint-Ours, et de plus, voisine de ce dernier tel que décrit dans le contrat de concession ? 

Pierre n’est pas inscrit dans la compagnie de Monsieur de Saint-Ours comme officier, sergent ou autre grade que je connaisse.  Avoir eu  un de ces grades aurait pu inciter le capitaine de Saint-Ours à le nommer en premier afin de le récompenser de ses bons services ?  Ou est ce que le fait de savoir lire et écrire, aurait incité monsieur de Saint-Ours, à lui donner le poste de notaire seigneurial ?  Je n’en sais encore rien.

Dans son histoire sur la seigneurie de Saint-Ours, l’abbé Couillard Després pose la question suivante :

“Quels sont ceux qui ont persévéré ?  C’est d’abord Pierre Mesnard dit Xaintonge, il cumule les fonctions de notaire et de cordonnier de sa paroisse. ” 58

Si l’abbé Després le nomme en premier, je me permettrai aussi de le nommer Pierre-1 pour la compréhension de cet ouvrage, puisque d’autre Pierre suivront et porteront chacun leur numérotation selon leur chronologie.

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Il ne faudrait surtout pas croire que tous ceux qui ont voulu devenir défricheur ont persévéré à la tâche :

“Il y avait les colons malchanceux, qui n’ont pas eu la résistance physique, l’habilité élémentaire requise pour subsister pendant les premières années et qui ne sont pas taillés  pour être cultivateur.  Ils se découragent et repartent souvent en France ou, s’ils sont mariés, vont s’installer dans la ville où ils continuent à crever de misère ” 59

De notaire à cordonnier ou de notaire à colon, il n’y avait aucun déshonneur, car à mon point de vue aucun métier n’est déshonorant.  Même en France au XVIIième siècle, des fils de nobles pratiquaient les métiers de cordonnier, tailleur ou armurier etc.  :

“Il y avait bien en 1663, un nommé Pierre Piron qui, de chirurgien, est devenu scieur de long en Nouvelle-France ” 60

Là encore, quel métier pratiquait Pierre-1 avant de s’embarquer pour la Nouvelle-France ?  Était-il cordonnier, notaire ou soldat ?

Le fait de savoir lire et écrire, cela veut dire qu’il avait reçu un degré d’instruction au-dessus de la moyenne, puisque au XVIIième siècle, même en France, il y avait environ 80% des gens qui étaient illettrés.61

Les actes notariés de Pierre-1 se terminent en août 1693.  Serait ce le départ pour l’au-delà ?  Je ne peux le dire, puisqu’on ne peut retrouver son acte de décès, ce dernier ayant été probablement brûlé tel que dit précédemment.  Je peux cependant supposer qu’il est décédé entre le 28 août 1693, date de son dernier contrat, et le 21 janvier 1695, date du contrat de mariage de son fils Pierre-2 à Suzanne La Porte, dans lequel il est dit que Marguerite Deshaies était veuve de Pierre Mesnard. 

Donc sa vie n’aura duré qu’environ 57 ans, dont trente-trois de ces années auront été passées en compagnie de son épouse au Grand Saint-Ours.

Pierre-1 n’a pu voir qu’un seul de ses enfants se marier, mais il aura vécu assez longtemps pour imprégner sa marque dans la communauté et sur ses descendants.

Ne sachant la date exacte du décès de Pierre-1, Marguerite Deshaies sa femme, lui survécu de quatorze à seize ans de plus.  Elle décéda à Repentigny à l’âge de soixante-trois ans, le 17 novembre 1709.  A cette époque, elle habitait probablement chez sa fille Marie-Madeleine mariée à Pierre Chevalier résident de Repentigny.

Leurs sept enfants (connus) ont survécus jusqu’à l’âge adulte, se sont tous mariés, et ont eu leur propre famille.

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Espérons qu’un jour, je connaîtrai les réponses aux questions restées en suspens.  Cela me permettrait de mener à bon port cette première génération de ceux qui ont implanté en la Nouvelle-France, les Ménard de la lignée dit Saint-Onge.

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Avant de vous quitter, je me permettrai d’emprunter une phrase soutirée du volume de mon ami et cousin américain Ambroise-Noel Ménard et qui se lit comme suit d’après une traduction de votre serviteur : 

Je m’éloigne…  Si quelques  uns ont pu écrire l’histoire et la généalogie en ligne directe de Pierre Mesnard sur une période de trois siècles, j’espère de tout cœur qu’un ou des plus jeunes pourront prolonger cette histoire et se rendre au quatrième siècle par leur lignée personnelle.
Ambroise-Noel Ménard

 


Ailleurs  en  Nouvel – France

 Durant les années de Pierre-1 et de Marguerite Deshaies en Nouvelle-France, la population est passée de deux mille cinq cent environ, à neuf mille plus ou moins. Cette population dispersée sur une aussi grande étendue de terre, qu’était ce nouveau continent, grossissait de plus en plus par l’addition de nouvelles familles aux nombreux enfants.

Louis Guimond, qui restait près de Québec, fils de François et de Jeanne De Lauray de la paroisse de Champs, diocèse de Sées, au Perche en France, se maria à Jeanne Bitouset le 11 février 1653. ls s’établirent aux environ de Sainte-Anne-de-Beaupré, afin d’y élever leur famille.

Deux faits extraordinaires ont été rapportés sur sa vie.  Il fut d’abord le premier miraculé de Sainte-Anne-de-Beaupré au printemps de 1658,
(Extrait des archives de Sainte-Anne-de-Beaupré) et suite à sa guérison  miraculeuse, trois ans après, au printemps 1661, il meurt martyr, victime des Iroquois Agnier, tel les pères l’Alement et Bréboeuf. 
(Voir l’historique de ces deux faits dans le « Dictionnaire National des Canadiens Français », tome 3, de l’Institut Généalogique Drouin.)

De ses enfants, Claude en fut issu, et se maria à Anne LeRoy le 8 octobre 1685 à Québec.  Ils s’établirent dans le rang du Rocher, à Cap Saint-Ignace.

Ça se passait en

NOUVELLE – FRANCE

 L’exécution des sentences donne lieu à de désopilants spectacles en 1673.  En voici une, à la suite d’une enquête :
Quatre individus pénètrent une nuit au domicile du notaire Ameau et y volent du vin et de l’eau-de-vie. Aussitôt arrêtés, ils sont jugés et condamnés : “à être exposés à la porte de l’église paroissiale, un jour de fête ou du dimanche, à l’issue de la grand-messe. ”
Le fournisseur des fausses clefs Louis Martin serrurier, nu-tête, les mains liées, portera suspendues au cou, des clefs et des bouteilles avec, sur la poitrine et dans le dos, cette inscription : 
“Voleur de vin, d’eau-de-vie, d’anguilles et bailleur de fausses clefs. ”
Au cou des autres, ne pendront que des bouteilles vides. Après l’exécution de ces ridicules pénalités, les accusés reprennent leur place honorable parmi les leurs.  L’honneur a été lavé.
(La vie quotidienne en Nouvelle-France :
Raymond Douville et Jacques-Donat Casanova, p.105)

 

By René Arbour

Management certificate of Credit Card (New York - 1983-84) Bac Administration , Security for the people (Minesota 1984)